Forcément, quand je décide de prendre un peu de temps pour moi, c’est quand il y a du mouvement sur les marchés. La faillite de SVB et le rachat du mastodonte Crédit Suisse par UBS ont été les deux événements forts de ces deux dernières semaines. Bien qu’en retard, nous rappellerons ici ce qu’il s’est passé et les conséquences, puis nous parlerons de la suite des événements, et quelles sont les prochaines choses à surveiller.
Bonne lecture !
Il y a encore quelques semaines, la Silicon Valley Bank (SVB) était totalement inconnue du grand public. Pourtant, cette banque a fait trembler toute la sphère financière.
Ayant été créé en 1983, elle a profité du boom de l’industrie technologique, qui cherchait des fonds pour conquérir un nouvel eldorado : Internet. Tandis que les vieilles banques étaient frileuses a l’idée de prêter à des entrepreneurs de ce nouveau secteur, la SVB a pris cette niche et a conquis l’intégralité de la Silicon Valley.
Cette banque, finançait donc toute la valley, et s’est retrouvée piégée par la plus forte montée des taux depuis 40 ans qui a fortement affecté la valeur de son portefeuille obligataire.
Pour rappel, les taux évoluent à l’inverse de la valeur d’une obligation. Nous avons vu les taux obligataires s’envoler à partir de l’année 2022, signifiant que la valeur de l’obligation dégringole.
Pour en revenir à la Silicon Valley Bank, elle était massivement investie sur des obligations Américaine long terme, de 10 ans et plus. Les obligations américaines sont réputées pour être un des produits financiers les plus sûrs, étant donné qu’il est relativement peu probable que l’État Américain fasse faillite (du moins à court terme).
La montée des taux a aussi créé un nouvel intêret pour les obligations d’état. En 2020-2021, les obligations américaines à 10 ans rémunéraient entre 0.5 et 1.7%, et le marché des actions a connu une année spectaculaire, il était donc très peu intéressant d’être investi sur le marché obligataire plutôt que sur les indices.
Actuellement, ces mêmes obligations rémunèrent 3.3%, avec un plus haut à 4%. Les entrepreneurs détenant des fonds dans la Silicon Valley Bank étaient alors tentés d’acheter eux-mêmes ces obligations, afin de profiter d’un rendement sur un produit financier aux risques quasi nuls.
En quelques dizaines d’heures, la SVB a donc vu son empire s’effondrer, après que les investisseurs et les dépositaires ont retiré 42 milliards de dollars en une seule journée, laissant la banque avec une balance de liquidité disponible négative de 1 milliard de dollars.
C’était la fin de SVB, et son rachat par First Citizens vient d’être annoncé ce matin.
Suite à la fin à la chute de cette banque, ayant entraîné la chute de quelques-unes plus petites, la FED se met à réfléchir à un moyen de protéger les dépositaires et surtout, éviter le risque d’une panique bancaire.
Comme évoqué précédemment, la forte hausse des taux a déprécié la valeur des portefeuilles obligataires, au point que si les banques devaient vendre tous leurs portefeuilles de titres financiers, elles subiraient une perte de 600 milliards de dollars.
Ainsi, le BTFP est né, pour répondre à un besoin de liquidité fraîche de la part des banques.
Il consiste à offrir des prêts de court terme, ne dépassant pas un an, aux institutions recueillant des dépôts.
Le BTFP sera une source additionnelle de liquidité gagée sur des titres de haute qualité, ce qui éliminera le besoin de vendre rapidement ces titres dans un moment de stress.
En bref, nous pouvons constater une chose, le BTFP est un Quantitative Easing qui n’a pas exactement le même nom.
Les actifs augmentent sur le bilan de la FED, donc les réserves augmentent, bien que techniquement la FED n’achète pas de titre.
À partir de la chute de la première banque importante, en l’occurrence la SVB était la 16e plus grande banque américaine, c’est la contagion qui inquiète les intervenants.
En l’occurrence, c’est le Crédit Suisse, qui inquiétait les investisseurs depuis un moment, qui s’est retrouvé dans la tourmente.
Tout a commencé quand le Président de la Banque Nationale d’Arabie saoudite a refusé d’apporter son aide au Crédit Suisse. Cette banque nationale avait déjà aidé la banque helvétique en novembre, en devenant son premier actionnaire avec 9.9% du capital.
Le problème ici est que le Crédit Suisse est une banque systémique. Si elle s’effondre, c’est un risque de contagion énorme, qui ne veut pas être pris par les autorités.
C’est alors que la Banque Centrale Suisse est intervenue, assurant que le Crédit Suisse a leur soutien.
Le Credit Suisse satisfait aux exigences en matière de capital et de liquidités imposées aux banques d’importance systémique. En cas de besoin, la BNS mettra des liquidités à la disposition du Credit Suisse
Puis le Crédit Suisse fut racheté par son rival historique : UBS, pour deux milliards de dollars.
J’ai essayé de faire vite sur la première partie, je suis en retard sur ces deux sujets et vous en avez déjà entendu parler de nombreuses fois.
La question est : à quoi s’attendre désormais ?
Dans un premier temps, la FED et la BCE, malgré les risques bancaires, ont toutes deux décidé de continuer à hausser les taux. Les dernières réunions ont abouti à une hausse des taux de 25 bps pour la FED, et 50 bps pour la BCE.
Dans un même temps en Europe, c’est désormais la Deutsche Bank qui inquiète.
Les banques doivent répondre à des exigences de la part des régulateurs, elles émettent donc de la dette subordonnée. Il en existe différents types, AT1 (Aditionnal Tier One), Tier 2, Lower Tier 2, Upper Tier 2, CoCo…
Bourse des crédits explique le Tier 2, qui a retenu l’attention concernant la Deutsche Bank, de cette façon :
Le Tier 2 se ventile en deux niveaux. En haut, le capital permanent, et les titres dont les coupons sont cumulatifs et dont le rendement du principal et des intérêts peut être calculé. En bas, les instruments hybrides, les provisions pour créances douteuses, les coupons à risque faible, et les dettes subordonnées à échéance d'au moins 10 ans.
Concrètement, ces titres donnaient à la Deutsche Bank, qui avait émis des titres subordonnés à échéance 2028, la possibilité de rembourser plus tôt sa dette.
Elle demande à la Banque Centrale Européenne son autorisation, et si cette dernière juge que la santé de la banque permette un remboursement plus tôt que prévu, elle donne son accord.
Mais étant donné les récents déboires du Crédit Suisse, les investisseurs sont anxieux. Les autorités suisses avaient décidé que la valeur des titres AT1 du Crédit Suisse passerait de 16 milliards de francs à zéro. Un choix qui a été vivement critiqué.
Pour en revenir à la Deutsche Bank, elle a remboursé son emprunt subordonné à sa date de call, en avance donc. On pourrait croire que c’est une bonne chose, que si elle rembourse son prêt en avance c’est qu’elle peut se le permettre. Mais la situation est tellement anxiogène pour les acteurs du marché que l’interprétation des marchés a plutôt été :
“Si la Deutsche Bank rembourse son prêt en avance afin de rassurer les marchés, c’est qu’elle cherche à cacher une difficulté”.
À mon sens et à ce stade, il s’agit plus d’un emballement de la part des investisseurs, qui font un parallèle prématuré avec la chute de Crédit Suisse, plutôt qu’une inquiétude raisonnée. Mais, en imaginant le pire scénario, c’est-à-dire la chute de Deutsche Bank, la BCE a déjà clairement prévenu qu’elle était prête à intervenir :
Le monde bancaire est extrêmement dense et complexe, et il est clairement difficile de s’y retrouver. Je n’en suis pas spécialiste moi-même, donc un simple conseil qui est valable pour tout ce que vous trouvez sur internet : ne me croyez pas, vérifiez ! Mes sources sont pour ma part indiquées quand le texte est souligné.
Mais avant de vous laisser, j’aimerais aborder un dernier point.
Ces dernières semaines ont donc été marquées par une panique bancaire, poussant les déposants à sortir leur avoir. Au total, ce n’est pas moins de 550 milliards qui sont sortis des banques ces dernières semaines.
Mais alors, où sont parties ces centaines de milliards de dollars ? La réponse est simple, le marché monétaire. Les taux obligataires se sont détendus ces dernières semaines, au fur et à mesure que les banques tombaient.
En voyant ces banques tomber, nul doute que la FED va abandonner son combat contre l’inflation. C'est pour cette raison que je pense que la baisse des taux d’ici la fin d’année est quelque chose de déjà intégré pour les marchés. Les intervenants sont actuellement extrêmement pessimistes sur les actions US.
C’est pour cela que je m’attends à un rebond du SPX dans les prochaines semaines, jusqu’aux 4100-4200 points. Je m’attends toujours, au cours de l’année, que nous allions chercher plus bas que le dernier creux du SPX, aux 3 500 points. Mais ce positionnement short exacerbé me paraît trop dangereux pour être baissier ici.
Il est probable que la FED baisse agressivement ces taux lors des prochains mois, quand les chiffres de l’emploi seront négatifs, comme nous en avions parlé dans cet article :
Mais il est probable qu’elle se retourne trop tard. Dans un contexte inflationniste, il vaut mieux vendre la dernière hausse des taux, comme ce fut le cas dans les années soixante-dix.
Finalement, ces récents événements ne sont que la matérialisation de ce à quoi tout le monde s’attendait : une crise du crédit. Nous en avions parlé lors de cet article :
Rien n’a donc réellement changé. Plus de douleur à venir pour les indices actions américains, plus de douleur à venir sur le dollar américain, la sécurité prime désormais. L’or a pour moi de très belles années devant lui, et le Bitcoin, l’actif anti-banque par excellence, a profité d’une envolée spectaculaire.
Comme toujours, j’espère que cet article vous a plu, si c’est le cas n’oubliez pas de partager, liker et commenter.
Et si vous avez des retours ou des questions, vous pouvez répondre à ce mail ou m’écrire à kolepibtc@gmail.com
Merci de m’avoir lu !
Salut !
Tu dis que les prêts BTFP sont un "QE qui n’a pas exactement le même nom".
Or, comme tu le mentionnes ensuite, aucun achat n'a été effectué. Donc, ça n'est pas la même chose.
Beaucoup l'ont interprété de la sorte, moi le premier, mais cette augmentation de bilan n'a pas vocation à induire le même effet qu'un QE, simplement d'octroyer de la liquidité fraîchement créée aux banques, à un taux très élevé (4,75%) et sera donc utilisé en dernier recours, histoire de ne pas être forcé de liquider en masse des actifs.
Ceci étant, toujours un petit plaisir ces articles !
À bientôt :)