Bonjour à toutes et tous et bienvenue dans ce nouvel article du mercredi !
Comme vous l’avez vu, nous allons évoquer aujourd’hui le scandale AREVA ou comment un géant de l’énergie s’est retrouvé à acheter des mines d’uraniums qui, en réalité, n’existaient pas.
Comme toujours, si vous lisez cet article sans être abonné à notre newsletter, n’hésitez pas à la rejoindre afin de ne pas manquer nos publications suivantes !
Avant d’attaquer le vif du sujet, nous tenons à remercier nos amis du PICS qui sponsorisent cet article.
Si vous ne connaissez pas le PICS (Polynesian Islands Crypto Summit), il s’agit d’une initiative locale (menée par la société Dinovox en Polynésie) qui met en œuvre des formations et des solutions visant à démocratiser 1) les cryptos et 2) les solutions bancaires innovantes pour mettre un terme à l’isolement injuste dont souffre la population des îles du pacifique.
Encore merci à eux de nous soutenir pour que nous permettre de continuer à vous informer !
Mais revenons-en à un projet bien plus sombre, où comment AREVA est passé de géant de l’énergie à société en péril sur la base d’une mauvaise décision.
Areva était un géant de l’énergie et du nucléaire dont le règne aura pris fin suite à plusieurs affaires et scandales financiers et politiques. En 2018, la société est restructurée lorsqu’il apparaît qu’elle ne pourra pas sortir des difficultés dans lesquelles lesdits scandales l’ont plongé.
L’activité de conception et de maintenance des réacteurs nucléaires sera transférée à Framatome suite à une cession réalisée avec EDF en 2018. Tandis que les activités d’exploitations minières seront transmises à Orano.
Les activités annexes (éolien, propulsion nucléaire navale) sont également transférées à d’autres structures.
Comment en est-on arrivé là ?
En réalité, les choses sont assez simples. En 2006, Areva est approchée par une société récemment créée : Uramin. Cette dernière aimerait bien être rachetée par le géant français et met en avant de nouvelles mines d’Uranium qui pourraient être exploitées sur le continent africain. Uramin est propriétaire des terrains, il ne reste plus qu’à financer les infrastructures.
Areva ne donnera pas suite à cette première proposition. Mais quelques mois plus tard, l’une des deux plus grandes mines d’Uranium au monde (Cigar Lake) est inondée.
De fait, l’uranium devient de plus en plus difficile à se procurer et les prix flambent.
Il apparaît alors crucial pour Areva de se rendre moins dépendant du complexe minier de Cigar Lake. Anne Lauvergeon, alors à la tête de la société, décide de se rapprocher d’Uramin et de conclure un accord.
Ajoutons également que les élections présidentielles françaises de 2007 approchent à grand pas et que, d’après Anne Lauvergeon, elle avait à cœur de faire en sorte qu’Areva puisse résister aux pressions de privatisations qu’agitaient souvent certains candidats à l’élection.
Ce serait ce contexte qui aurait poussé Areva à agir vite et à bâcler l’opération de rachat d’Uramin.
À cette époque, personne ne relève que l’actionnariat de Uramin a déjà de quoi faire hausser les sourcils. La société est immatriculée dans les îles vierges britanniques et a été créée par Stephen Dattels et James Mellon.
D’après l’enquête de Vincent Crouzet qu’il publiera en 2017 dans son livre “Une affaire atomique” James Mellon aurait déjà mauvaise réputation auprès des services financiers Coréens.
De son côté Stephen Dattels a acquis les terrains de Trekkopje auprès de la famille Christodoulou dans un contexte douteux.
Et pour ne rien gâcher, la productivité des terrains qu’il acquiert ne fait pas rêver. À titre de comparaison, la teneur en uranium des sols est de 0,016% alors que les terrains déjà exploités par Areva affichent une teneur de plus de 5%.
La productivité des sites est si faible que de nombreux investisseurs ont déjà jeté l’éponge face à l’impossibilité d’y installer une activité d’extraction rentable. De plus les terrains détenus par Uramin sont parfois situés en plein milieu du désert. Ce qui implique l’obligation de construire des pipelines sur plusieurs dizaines de kilomètres afin de rendre l’exploitation du minerai possible.
Nonobstant cette situation extrêmement défavorable, un accord sera tout de même conclu entre Uramin et Areva.
Areva rachète donc Uramin pour 1,8 milliard d’euros en 2007. Il est important de bien comprendre qu’à cette époque, Uramin ne produit encore rien de concret, il s’agit seulement d’une société qui serait propriétaire de terrains exploitables sur le sol africain. Nous en sommes donc encore au stade de la promesse.
De plus, la société était déjà venue trouver Areva un an plus tôt pour se faire racheter 500 millions d’euros. Lorsqu’en 2007 c’est Areva qui est contrainte de revenir vers Uramin, les associés de la société minière font évidemment grimper les prix.
Une fois la société Uramin rachetée, Areva va financer d’immenses chantiers pour créer les infrastructures nécessaires à l’exploitation de l’uranium, notamment des usines de dessalement de l’eau de mer (250 millions d’euros pièces).
Sauf que, nonobstant les investissements pharaoniques engagés par la société française sur les terrains appartenant à Uramin, il n’en sort toujours pas le moindre gramme d’uranium.
Cet investissement douteux engendrera des enquêtes internes qui aboutiront au licenciement d’Anne Lauvergeon en 2011.
À ce jour, les pertes liées à l’investissement d’Areva dans Uramin sont estimées à près de 3 milliards d’euros. Une somme si colossale que l’Etat (principal actionnaire d’Areva) sera appelé à la rescousse pour renflouer les caisses de la société.
Mais alors, à quoi est due cette débâcle absolument retentissante ?
C’est en 2010 que sera livrée la conclusion d’une enquête interne initiée à la demande de l’amiral Thierry d’Arbonneau. Il en ressortira que l’opération de rachat d’Uramin apparaît « très douteuse et potentiellement frauduleuse ».
Il semblerait que la direction d’Areva aurait délibérément fourni à ses autorités de tutelles des documents incomplets et trompeurs, notamment sur les tests liés à la production attendue des mines détenues par Uramin.
Et ce n’est pas le seul aspect troublant de cette affaire.
En début 2007, AREVA achète 5% des parts d’Uramin ce qui contribue à faire exploser le cours de la société. Une action qui n’a aucun sens d’un point de vue stratégique en ce qu’elle ne permet pas à Areva, actionnaire minoritaire, d’exploiter les terrains détenus par Uramin.
Ce premier achat de titres contribue en revanche à rincer les associés fondateurs d’Uramin. Et également peut-être le mari d’Anne Lauvergeon qui a acheté un gros paquet d’action d’Uramin avant l’annonce de l’OPA d’Areva sur la société. Sans doute le hasard.
La revente de ces mêmes actions quelques mois plus tard (juin 2007) permettra à Olivier Fric de dégager une plus value de plusieurs centaines de milliers d’euros.
Rappelons que selon les articles L.465-1 et suivants du Code monétaire et financier :
Constitue un délit d'initié le fait, en toute connaissance de cause et pour une personne disposant d'une information privilégiée, d'en faire un usage en réalisant, pour elle-même ou pour autrui, soit directement, soit indirectement, une ou plusieurs opérations ou en annulant ou en modifiant un ou plusieurs ordres passés sur l'émetteur ou l'instrument financier concerné par cette information privilégiée.
Je ne vais pas faire ici la liste des procédures judiciaires, appels et contre-appels, kems et contre-kems qui ont été engagés suite au rachat d’Uramin, mais plus de 10 ans plus tard, certaines procédures sont encore en cours.
L’affaire AREVA aura permis mis en lumière une forte corruption politique, des liens douteux entre personnalités françaises, investisseurs et politiques africains, ainsi que de nombreux intérêts convergents qui progressent ensemble bien que cachés. Encore une fois, ce sera le contribuable (via l’Etat) qui devra payer les pots cassés liés à la malhonnêteté et à l’incompétence de quelques privilégiés dont l’avarice ne semble pas connaître de limite.
J’espère que cet article vous aura plu !
Que ce soit le cas, ou non, n’hésitez pas à nous faire vos retours via le sondage afin que nous puissions continuer à améliorer notre contenu.
On se retrouve vendredi pour évoquer l’actualité économique de la semaine.
En attendant, n’hésitez pas à vous abonner si ce n’est pas encore fait, et à nous suivre sur les réseaux !
👉🏼 Tiktok