La Banque du Japon représente le risque le plus important actuellement...
Une politique monétaire intenable ?
En fin d’année 2022, la Bank of Japan (BoJ) a augmenté la bande de son mécanisme de Yield Curve Controle (YCC), faisant grimper les taux obligataires à 10 ans à 0.5%. Voyons aujourd’hui ce que cela implique, et pourquoi ce mouvement a surpris la sphère financière.
Introduit en septembre 2016 dans l’archipel, le Yield Curve Controle (ou YCC) est un des principaux outils monétaires que la BoJ utilise. L’objectif est très simple : maintenir les taux d’intérêt à court terme à zéro afin de stimuler l’économie.
Comment la BoJ réussit à maintenir ses taux d’intérêt à 10 ans proches de zéro ? Simplement en vendant massivement des obligations quand le taux d’intérêt de ces dernières passe sous les -0.25, et en en achetant massivement lorsque ce dernier passe au-dessus de 0.25%.
De cette manière, la BoJ s’assure que les taux restent autour des 0%.
There is no such thing as a free lunch
Milton Friedman
Les conséquences d’une politique à taux zéro sont multiples :
D’une part, une politique de taux zéro stimule la croissance économique. Les consommateurs ainsi que les entreprises consomment et investissent davantage.
Une politique de taux d’intérêt zéro entraîne une augmentation de l’inflation, car il est moins coûteux pour les entreprises de se financer.
Pour terminer, un financement gratuit pendant une longue période devient un poids difficile à supporter quand il faut remonter les taux, car l’économie s’habitue à cet argent gratuit.
Augmentation des coûts de remboursement de la dette, le Japon a un niveau élevé de dette publique à hauteur de 250% du PIB.
Voilà pour les principaux risques et inconvénients d’une politique de taux zéro. Voyons désormais ce qu’il s’est passé en décembre dans l’archipel.
Comme vu précédemment, une politique de taux zéro peut entraîner une inflation importante, d’autant plus dans la période actuelle. Le yen japonais s’est montré particulièrement faible en 2022, où il a chuté de 13% face au dollar, avec un plus bas à -24%.
Cette chute particulièrement prononcée sur la devise nippone s’explique par un dollar américain extrêmement fort. Le DXY, indice de force du dollar, a grimpé à des niveaux qui n’avaient pas été observés depuis 2002.
Dans un même temps, la Banque Fédérale Américaine (FED) a entrepris une hausse des taux durant l’année 2022. Double peine pour la banque du Japon, qui subit à la fois la politique monétaire de la monnaie internationale mondiale, et à la fois inflation importée des Américains. Les Japonais consommant des produits importés souffrent du Yen faible.
Pour répondre à cela, la Bank of Japan a décidé de monter le seuil limite auquel elle achetait des obligations à 0.5%.
Historiquement, le Japon intervenait plutôt afin de faire baisser sa monnaie. Il est intervenu de nombreuse fois, afin de vendre des yens contre des dollars.
La BoJ est dans une situation extrêmement délicate. D’une part, cette politique de taux zéro maintient la croissance économique, et les grandes entreprises japonaises profitent de cette faiblesse du Yen, car leur bilan comptable paraît bien important quand les ventes et bénéfices réalisés en dollars sont convertis en Yen. Encore en septembre, le Japon annonçait une aide économique de 200 milliards de dollars.
D’une autre part, l’affaiblissement de la devise fait terriblement souffrir les entreprises importatrices. Le surcoût se retranscrit sur les plus petites entreprises et les consommateurs, et les salaires stagnent.
Ce revirement de situation, après l’entêtement de la BoJ à maintenir une politique d’assouplissement, a donc étonné les intervenants.
Les intervenants anticipent un retour des capitaux dans l’archipel suite à cette annonce de hausse des taux. Le yen gagne 3% face au dollar à la suite de cette annonce, et les taux obligataires à 10 ans bondissent instantanément jusqu’aux 0.5%.
Mais ici, il y a désormais un petit problème. La BoJ a du mal à canaliser ses taux directeurs, et a dépensé sans compter pour réussir à les canaliser.
Ici, le graphique (Publié par Robin Brooks le 4 janvier, économiste chez IF et ancien stratégique forex chez Goldman Sachs) montre que la BoJ a dépensé 16.2 trillions de Yen pour maintenir ses taux à 0.5%.
La semaine suivante, Japan Times nous informe que la banque centrale a dépensé de nouveau 4.6 trillions de yens pour défendre les 0.5% sur ses obligations à 10 ans.
Une magnifique enveloppe d’un total de 20 trillons de yens (150 milliards de dollars) pour maintenir ses taux directeurs.
Les membres de la BoJ doivent se réunir la semaine prochaine afin de débattre des effets du Yield Curve Control et des mouvements des marchés obligataires depuis la décision de décembre.
D’ici là, les intervenants peinent à retrouver confiance dans les obligations japonaises, et le swap de yen à 10 ans explose ainsi que les taux obligataires à 10 ans, qui restent au-dessus des 0.5%.
Pour rappel, ce type de swap est souvent utilisé pour se couvrir contre les risques liés aux fluctuations des taux d’intérêt. Une partie accepte de recevoir un taux d’intérêt fixe pendant la durée du contrat, tandis que l’autre partie accepte de payer un taux d’intérêt variable basé sur le taux d’intérêt à 10 ans sur les obligations japonaises.
Pour trouver cet argent, la BoJ n’a d’autres choix que de vendre des obligations américaines, qu’elle détient en plus grande quantité que n’importe quel autre pays, ce qui apporte également des tensions sur les marchés obligataires américains.
La question qui se pose alors est la suivante : est-ce que les obligations américaines seront capables de compenser de telles ventes de ses titres ? Sera-t-elle obligée d’intervenir afin de compenser ? Nous reviendrons sur ce sujet dans un prochain article.
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Il y a un moment ça va partir en couille de là-bas...