Cet article a été écrit avant les récents événements de la SVB. Néanmoins, le propos n’a pas évolué, c’est simplement un événement à prendre en compte (et dont nous reparlerons à mon retour).
Depuis la crise du COVID, le monde a connu de nombreux changements. Le conflit Ukraine - Russie a durablement modifié la façon dont le monde fonctionne, et les tensions entre la Chine & Taiwan (et par extension, les USA) n’ont pas arrangé les choses.
Alors, comment concorder dans un monde fracturé ? Essayons de récapituler et d’en tirer une thèse, dans ce nouvel article pour The Macronomist.
Avant de commencer, si ce n’est pas déjà fait, je vous invite à lire le début d’un des premiers articles de cette revue, notamment si vous ne savez pas en quoi consiste le Yield Curve Control :
La guerre a mené à deux fractures principales qui ont changé considérablement la donne :
Le divorce entre la Chine et les Etats-Unis, dont le deal était que les Etats Unis payaient des dollars américains pour des importations chinoises très accessibles grâce à une main-d’œuvre à bas prix.
Le divorce entre la Russie et l’Europe, dont le deal consistait à ce que l’Europe achète du gaz russe à bas prix.
Le monde tel que nous avons connu ces dernières décennies reposait sur ces conditions pour maintenir une inflation faible : la production chinoise à bas prix, une main-d’œuvre immigrée bon marché et un gaz naturel peu coûteux et abondant qui maintenait l’industrie européenne.
Comme vous le savez, cette époque est désormais bien révolue. Un mariage harmonieux de plusieurs années s’est terminé, et nous nous retrouvons désormais avec une inflation qui ne peut pas être endiguée seulement par la politique monétaire restrictive des banquiers centraux.
La Chine et la Russie diversifient leur risque monétaire qui était jusqu’ici très concentré sur le dollar. La Chine le fait pour des raisons de frictions économiques avec son grand rival des USA, et la Russie y a simplement été contrainte par les sanctions du G7.
Cette fracture s’est matérialisée en plusieurs points :
La réponse à ce blocus financier par un blocus énergétique de la Russie, dont nous avions déjà discuté à la fin de cet article.
La Chine qui cherche à acheter son pétrole en Yuan, dont nous avions également parlé dans cet article.
Pour 2023, la suite ne s’annonce pas mieux. Les deux blocs semblent se séparer toujours davantage, et le divorce semble durable. Le réseau Project mBridge risque de s’imposer comme une alternative viable à l’ancien réseau Swift, ce qui menace toujours plus l’hégémonie du dollar américain.
Les frictions monétaires entraînent inéluctablement une réduction des échanges entre les pays. Si vous n’êtes pas d’accord sur le moyen de règlement, vous ne pouvez pas faire de business avec un autre pays.
Donc dans ce monde fracturé, nous devons regarder quel pays détient quoi. Je traiterai dans cet article d’un sujet, mai
La Chine est le deuxième plus grand détenteur d’obligations américaines. Elle détient environ 13% de la dette américaine selon Investopedia.
Depuis 2014, la Chine vend ses obligations américaines, et la tendance s’est accélérée depuis les récentes frictions entre les deux pays.
Actuellement, personne n’est réellement capable d’acheter massivement des obligations américaines étant donné que les banques sont déjà sous l’eau avec leurs obligations qu’elles comptent garder jusqu’à échéance. Et pourtant la dette qui doit être absorbée par le secteur privé n’a pas été aussi élevée depuis la guerre, si on retire 2010 ou le contexte était bien différent, avec un chômage élevé.
Donc ? Eh bien il reste les gouvernements. Si les obligations sont prises de paniques, le Quantitative Tightening s’arrêtera bien plus vite que prévu et laissera place au Quantitative Easing. La FED ne laissera pas les taux de ses obligations s’envoler.
Seulement, pour éviter de mettre sa crédibilité en jeu, la FED pourrait décider de ne pas passer directement par le Quantitative Easing mais par le Yield Curve Control (YCC), tout comme la Banque du Japon.
En théorie, le YCC affectera l’économie et la liquidité de la même manière que le Quantitative Easing, avec pour finalité l’achat d’obligation, qui injecte de l’argent dans les marchés, les actions montent et le dollar perd en force. Mais les conditions seraient quelque peu différentes : Le YCC ici n’interviendrait pas dans une démarche d’inciter à l’emprunt et à l’achat d’action, mais simplement pour éviter que les taux obligataires n’explosent.
C’est foncièrement différent d’un Quantitative Easing comme nous l’avions connu lors des 10 dernières années, il sera fait dans le contexte d’un dysfonctionnement sur le marché des obligations. Le but pour la FED sera d’éviter que le système financier s’effondre (ce qui serait le cas si les taux obligataires venaient à exploser) dans un environnement avec une inflation élevée et une gueule de bois difficile à la suite d’un divorce commercial.
La FED est dans une position extrêmement compliquée. Quand l’inflation est faible, elle dispose d’une marge de manœuvre pour gérer les cycles économiques, et injecter de la liquidité au besoin. Ce n’est pas le cas ici, et la BIS (La Banque des règlements internationaux) semble déjà indiquer la marche à suivre :
Cela signifie que dans la situation où il semble probable qu'un dysfonctionnement du marché aura un impact négatif important sur l'économie réelle, les banques centrales devraient envisager d'utiliser leur capacité d'intervention sur les marchés financiers, et devraient envisager d'utiliser leur capacité à étendre leurs bilans et de fournir des liquidités afin d'atténuer cet impact.
Dans l’absolu, nous parlons de ces informations et de la position extrêmement délicate de la FED depuis désormais 2 mois. Les éléments qui viennent s’ajouter au fur et à mesure confirment jusqu’ici notre biais : la FED est coincée.
Je vais essayer de donner un avis ici plus concret ici, qui n’est évidemment pas un conseil d’investissement.
Le portefeuille tant réputé de cette dernière décennie, à savoir le 60% d’action et 40% d’obligation ne me semble plus en phase avec l’époque. Il faudra ajouter à cela deux nouveaux types d’actifs : le cash, qui est important en période de hausse des taux (malgré l’inflation) et évidemment, les matières premières.
Les matières premières, dans un monde qui se tourne vers la démondialisation, me semblent extrêmement intéressantes. Plus précisément :
L’or, refuge par excellence
Le Lithium, dont la demande devrait croître avec l’expansion des véhicules électriques
Le pétrole
Le cuivre
Si le dollar s’affaiblit par rapport aux monnaies des BRICS, poussées par les CBDC, le prix des matières premières chutera en dollar. L’offre de ces dernières se resserre du fait de la démondialisation, et il me semble désormais prépondérant d’en détenir.
Les actions doivent être extrêmement bien choisies, et parés à toutes épreuves. Posez-vous la question : en cas de grosse catastrophe, que restera-t-il ? Vous pouvez piocher des idées dans le portefeuille de Warren Buffet par exemple, qui reste très concentré sur la valeur et non la croissance, cependant il est extrêmement exposé au marché américain. S’exposer à des actions en lien avec les matières premières peut être intéressant, mais attention à ne pas être surexposé dans ce secteur.
En bref, il faut construire un portefeuille résilient avant tout, et qui résistera même si nous nous trompons. Par exemple, si le Quantitative Easing (ou YCC) mit en place par la FED profite finalement aux actions, alors nous restons exposé. Si nous avons raison, et que le dollar perd en valeur, que l’inflation perdure, les matières premières devraient performer. De même si un événement plus grave, comme un conflit USA - Chine se matérialise, les matières premières performeront.
Je veux surtout mettre en avant ici le fait que le portefeuille 60/40 n’est à mon sens plus une bonne idée (malgré un début d’année spectaculaire). Le monde tel qu’il est actuellement le rend trop risqué, surtout si vous vous concentrez sur un seul continent.
Opinion purement personnelle.
Le rallye de ce début d’année sur les actions et les obligations semble avoir été, comme nous en avions discuté, largement poussé par des positions vendeuses prises aux pièges et un ajout de liquidité, poussé par différents facteurs, des banquiers centraux.
Le but ici n’est pas d’attraper le plus bas sur les actions, simplement de faire un portefeuille résilient. Il s’agit simplement de la manière dont j’agis avec mon portefeuille, faites vos recherches, restez curieux. Je ne suis qu’un simple passionné qui partage ses pensées ici.
Comme toujours, j’espère que cet article vous a plu, si c’est le cas n’oubliez pas de partager, liker et commenter.
Et si vous avez des retours ou des questions, vous pouvez répondre à ce mail ou m’écrire à kolepibtc@gmail.com
Merci de m’avoir lu !