Les conséquences de l'illiquidité du dollar...
...et pourquoi vous devriez vous en inquiéter.
Vous n’êtes probablement pas sans savoir que depuis 2022, la banque fédérale américaine (FED) relève ses taux directeurs. Le but, est de réduire l’inflation démentielle qui est montée jusqu’à +9% ces derniers mois. Elle est désormais à la baisse depuis plusieurs mois, et flirt avec les +7%.
Seulement, cette hausse des taux ayant pour but d’endiguer l’inflation n’est pas sans conséquences. Elle a pour conséquence de faire chuter la masse monétaire.
Quand il s’agit de calculer la masse monétaire, vous avez deux possibilités :
M1 : Elle correspond à la somme totale du cash et des soldes des comptes actuels
M2 : Elle ajoute à M1 les comptes d’épargnes, les fonds de marché monétaire incluant les autres dépôts.
En d’autres termes, M2 sert à représenter également l’argent moins liquide, mais qui peut tout de même facilement être converti à nouveau.
La FED réduit donc la masse monétaire, qui a connu une période de forte expansion pour éviter une crise économique lors des épisodes de confinements répétés, en 2020 et 2021.
Mais alors, quels sont les risques liés à cette réduction de masse monétaire ?
La dernière crise de liquidité fut récente, en 2022 la banque d’Angleterre fût contrainte de relancer brièvement le Quantitative Easing, manœuvre d’assouplissement monétaire, afin d’éviter un risque systémique.
L’histoire est simple, Liz Truss, première ministre britannique fraîchement élue, annonce un plan de réduction massif des impôts, notamment sur les ménages les plus riches.
Cet allégement fiscal de près de 1.5% du PIB a inquiété les investisseurs, qui se sont mis à vendre massivement les obligations britanniques (également appelés gilts). Le taux de rendement des obligations à 10 ans a donc explosé pour atteindre 4.55%, niveau le plus haut atteint depuis 2008.
La Banque d’Angleterre a donc été forcée d’acheter en masse des obligations d’Etats britanniques, afin que le marché retrouve en sérénité. Le risque pesait notamment sur les fonds de pensions. La BoE s’était d’ailleurs concentrée sur les obligations avec une maturité supérieure à 20 ans, dont les fonds de pensions sont particulièrement friands.
Cette mésaventure de la Banque d’Angleterre nous a rappelé que le risque de crise de liquidité planait toujours au-dessus des marchés en cette période de hausse des taux.
Depuis la crise de la dette souveraine, c’est la première fois que la BCE lance un avertissement au système financier. Elle a d’ailleurs forcé la Deutsche Bank et BNP Paribas à augmenter leurs fonds propres, afin de prévenir d’un risque sur les prêts à effet de levier. L’inflation et l’intervention de la banque fédérale américaine ont forcé la BCE à suivre le rythme, et à augmenter ses taux directeurs. Seulement, l’inflation étrangle elle-même les acteurs économiques, ce qui rend difficile le remboursement de la dette.
De plus, la BCE devrait mettre en place le resserrement quantitatif (QT) ce qui risque d’amener une certaine volatilité sur les marchés obligataires, déjà pressurisé par les taux directeurs. Les dettes d’état devront donc trouver de nouveaux acheteurs, qui seront plus sélectifs que la BCE. De quoi stresser les taux de certains pays, surtout ceux qui sont particulièrement endettés.
D’une part, le dollar est historiquement élevé. Au cours de l’année 2022, la FED a pris les devants en remontant les taux avant les autres banquiers centraux, ajoutons à ça que le dollar est la première monnaie internationale, et nous voyons l’énorme risque si ce dernier venait à manquer.
Dans les faits, ce dernier est déjà relativement illiquide, comme le montre ce graphique représentant la liquidité nette dans les marchés américains, qui s’est déjà bien tassée en 2022.
Ci-dessous, la moyenne sur une semaine de la profondeur de marché sur les futures du SP500. 2022 fut une année particulièrement faible en termes de liquidité, et 2023 devrait être dans la continuité.
L’OCDE a d’ailleurs mis en garde les fonds de pension, qui sont fortement investis dans des actifs illiquides depuis que les taux sont extrêmement bas. La chute des marchés et la remontée des taux rendent probable un besoin rapide de liquidité.
L’illiquidité du dollar pourrait avoir de nombreuses conséquences :
Un manque de liquidité peut causer une baisse de confiance, ce qui aurait pour conséquence de le faire chuter.
Si le dollar est peu liquide, les obligations qui lui sont liées également. Ainsi, les obligations d’états et d’entreprises pourraient être délaissées.
Le dollar étant la devise internationale, un dollar très illiquide pourrait lui faire perdre cet avantage. Si les acteurs économiques délaissent le dollar, les échanges commerciaux peuvent être impactés.
Une plus grande volatilité sur le marché obligataire peut également être une conséquence de l’illiquidité du dollar. Les entreprises et les états auraient donc plus de mal à emprunter, ce qui peut entraîner des coûts de financement plus élevés et une incertitude chez les investisseurs.
La force actuelle du dollar a eu pour effet d’écraser les exportations américaines, ce qui est produit aux Etats Unis est désormais plus cher et moins compétitif à l’étranger.
Il est difficile d’estimer les solutions des banquiers centraux dans cette situation, qui semblent être déterminés à combattre l’inflation.
Powell a réduit les hausses des taux, qui sont désormais de 50 points de base. Mais est ce que cela sera suffisant pour rendre plus faible le dollar ? Rien n’est moins sûr. Si le dollar continue sur cette lancée, les états et entreprises finiront par crouler sous le poids de dettes impayables.
Si les entreprises et états croulent sous le poids de leurs dettes, alors les marchés imploseront.
La FED va donc être probablement forcée de changer sa politique monétaire, et à nouveau, dévaluer sa monnaie. Pour l’instant, les marchés résistent à l’illiquidité du dollar. Mais une crise de liquidité serait dévastatrice, et si cela venait à arriver, il y a fort à parier que les banquiers centraux seront obligés de rallumer l’imprimante.
Mark Cabana, directeur des stratégies sur les rendements obligataires américains à la BoFa, pense que la liquidité devrait s’améliorer sur le dollar américain. Il avance la thèse suivante :
Tout d’abord, la volatilité sur les obligations américaines a été impactée par une inflation forte et l’incertitude macroéconomique. Mais cette incertitude devrait se calmer.
Ensuite, il estime que si la réserve fédérale réussit effectivement à calmer l’inflation, cela devrait réduire la volatilité sur les obligations américaines et, par extension, améliorer la liquidité. La faible volatilité devrait calmer les incertitudes des investisseurs, et encourager l’achat de ces obligations.
Article de qualité comme toujours !
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