Bonjour à toutes et tous et bienvenue dans un article au cours duquel nous allons revenir sur les dérives et escroqueries qu’a générées la mise en place du marché des quotas carbone ou des “droits à polluer”.
Avant de commencer la lecture, nous tenons à remercier nos amis du PICS pour avoir sponsorisé cet article.
L’initiative de formation du PICS (Polynesian Islands Crypto Summit) qui est gérée localement par Dinovox vise à développer l’accès aux Cryptomonnaies au sein de la Polynésie Française en permettant de former tant le grand public que les entreprises dans l’adoption de cette révolution technologique.
Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à consulter le site officiel du PICS.
Maintenant que cela est dit, il est temps de revenir à notre sujet, bien moins joyeux.
Bienvenue dans The Macronomist, si on vous a fait suivre ce mail, je vous invite à vous abonner.
L’idée d’écrire cet article m’est venue en lisant un papier du Financial Times qui annonçait que Shell (le géant pétrolier) avait obtenu l’accord des autorités de l’Alberta pour vendre sur le marché des crédits carbones qui ne correspondaient à rien.
Je vous explique.
Shell met en avant des nouvelles technologies pour “capturer les émissions de carbone (CO2)” et permettre de réduire la pollution de manière globale. Et les autorités de l’Alberta ont accepté que le géant pétrolier puisse bénéficier de crédits carbone deux fois supérieurs aux émissions que la solution de Shell permet de capturer.
Schématiquement, pour une tonne de carbone d’émission capturée, c’est deux tonnes de crédits carbone que récupère Shell. Elle peut donc vendre sur les marchés des crédits carbone qui ne correspondent à aucune pollution réelle.
On n’arrête pas le progrès.
Sur ce graphique du Financial Time, on voit bien la part gigantesque (mais logique au vu de la description faite ci-dessus) que représentent ces crédits fantômes.
Il ne faut pas être un génie pour comprendre que permettre à des sociétés dont l’activité est très polluante de “gagner” deux fois plus de crédits carbone que ce qu’elles polluent en réalité risque de pas avoir un impact très positif sur l’écologie.
Shell pouvait par exemple revendre une partie de ses crédits fantômes à certaines de ses filiales très polluantes qui, de fait, se retrouvaient à ne plus faire aucun effort pour assainir leurs activités.
Ces mêmes crédits pouvaient également être revendus à des sociétés locales très polluantes.
Je ne parviens même pas à comprendre comment quelqu’un ai pu se dire que c’était une bonne idée, sauf à avoir été retourné par Shell quant à une solution miracle de décarbonation des activités polluantes qu’il fallait encourager à tout prix.
En tout cas, cet article m’a donné envie de reparler d’un sujet qui refait l’actualité grâce à la série de Canal + “D’argent et de sang” : la gigantesque fraude aux quotas carbone qui a mis à genoux l’Etat français, et de nombreux autres Etats européens.
Rendons tout d’abord à César ce qui est à César. L’enquête sur le sujet et le livre qui a donné son nom à la série sont le fruit du travail de Fabrice Arfi qui est également à l’origine de certaines révélations concernant l’affaire Karachi, l’affaire Cahuzac et bien d’autres encore. Un vrai journaliste d’investigation donc.
Il est maintenant l’heure de parler de la fraude aux quotas carbone qui aura coûté plus de 5 milliards d’euros aux Etats européens et plus d’1,6 milliards à la France seule. Nous parlons ici de l’argent public qui a été détourné par des escrocs, c’est donc de votre argent qu’il s’agit.
Nous en parlons depuis tout à l’heure, mais qu’est-ce qu’un crédit ou quota carbone exactement ?
Il s’agit d’une idée qui naît d’un constat simple : il faut combattre le dérèglement climatique et réduire l’impact des activités humaines sur l’environnement.
Comme le disait Jacques Chirac en 2002 à Johannesburg lors du sommet de la Terre :
Notre maison brûle, et nous regardons ailleurs.
Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas.
Prenons garde que le XXIe siècle ne devienne pas, pour les générations futures, celui d’un crime de l’Humanité contre la vie.
Il allait donc falloir rapidement trouver un moyen de pénaliser les activités et sociétés polluantes tout en encourageant celles qui ne polluent pas ou peu, ou celles qui font des efforts pour polluer moins.
L’idée consistait à créer des quotas carbone en fonction de la taille et de l’activité d’une société. Si vous polluez plus que le quota qui vous a été attribué, vous devrez payer des amendes ou acheter à des sociétés moins polluantes des crédits carbone.
En théorie, cela devait permettre aux sociétés moins polluantes de bénéficier de l’argent des grands groupes qui polluaient trop, et tirer tout le monde vers le haut.
Le principe vaut ce qu’il vaut, créer un nouveau marché financier sur de la revente de CO2 peut en effet choquer. Mais ce n’est pas le pire dans cette idée. Le pire, c’est que L’Europe et l’Etat français ont voulu mettre de la TVA sur les transactions passées sur Bluenext.
C’est là qu’intervient un trio d’escroc relativement improbable.
Cette histoire, c’est celle de petits voyous de banlieues qui ont mis à l’amende des polytechniciens et des hauts fonctionnaires qui, jamais, ne s’étaient imaginé qu’ils pourraient se faire dépouiller par des “sans-dents”.
Introduisons donc nos artistes. Dans les premiers rôles nous avons :
Marco Mouly, un tunisien qui réside à Belleville. Quasi analphabète, il aura tout de même réussi à sortir plus de 100 millions d’euros de cette escroquerie massive pour laquelle, on le voit sur la photo ci-dessous, il exprime les plus vifs remords.
Sami Souied, ami de Mouly et issu de la même communauté et classe sociale, qui se fera assassiner lors d’un retour en France après l’escroquerie alors qu’il tentait de récupérer de l’argent auprès du troisième larron de l’histoire.
Arnaud Mimran, sorte de golden-boy sulfureux issu des beaux quartiers parisiens et qui souhaite épicer sa vie en flirtant avec des gens moins recommandables que ses voisins de paliers. Il rencontrera Marco dans les salles de poker.
Si le destin de ces trois personnages vous intrigue, je vous invite à lire le livre écrit par Fabrice Arfi (cf. ci-dessus) ou à regarder la série Eponyme dans laquelle jouent Ramzy et Vincent Lindon, vraiment un excellent divertissement.
Ces trois personnes se sont réunies afin de créer des sociétés écrans dans de nombreux pays avec, naturellement, des comptes offshores.
La fraude consiste à mettre en place un carrousel de TVA pour ne jamais reverser la TVA facturée à l’Etat Français.
Comme une image vaut mieux que 1 000 mots, voici un schéma du mode opératoire des fraudeurs :
L’État Français et les hauts fonctionnaires ont mis du temps à comprendre que le marché était manipulé et exploité par des escrocs qui profitaient de la bénédiction que constituait la mise en place de la TVA sur des transactions financières pour plumer le Trésor Public.
Il est fort probable qu’ils n’aient même jamais imaginé qu’une telle fraude serait possible. Dans la pratique, les escrocs se faisaient verser automatiquement la TVA facturée et faisaient disparaître les sociétés bénéficiaires avant que l’Etat ne puisse réclamer quoi que ce soit.
La Fraude était d’une telle ampleur que la majorité des transactions passées sur BlueNext étaient frauduleuses. Lorsque la TVA a été supprimée du marché pour contrer la fraude, le nombre de transactions s’est effondré de plus de 80%.
Il est très important de noter deux choses :
Des procédures judiciaires sont toujours en cours dans cette affaire ;
Personne n’est encore parvenu à savoir combien d’argent avait été détourné exactement et à quelle personne il a été versé in fine ;
Même si Arnaud Mimran et Marco Mouly ont été condamnés à rembourser le montant total de la fraude, il est probable qu’ils n’en feront jamais rien et que les fonds resteront cachés sur des comptes offshores.
Afin de vous donner un ordre d’idée de la fraude, voici le montant de la TVA qui aurait été escroquée par la société Ellease au cours de l’année 2009. Et il s’agit là d’une seule société parmi une myriade d’autres…
Cette affaire a fait le tour du monde, en ce qu’elle a vu plusieurs Etats européens se faire publiquement humilier par des escrocs qui n’étaient en rien des génies, sauf peut-être en audace.
Or, pour en revenir au premier sujet de cet article, il apparaît que le marché des émissions de carbone est loin d’avoir livré ses derniers secrets et que ces “droits à polluer” restent des instruments avec lesquels il faut jouer prudemment. En attendant, les dirigeants de Shell doivent grassement remercier les autorités de l’Alberta pour les millions de tonnes de CO2 bonus qu’ils ont eu le droit d’émettre.
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