Pour mes lecteurs réguliers : suite à un événement familial, je suis contraint de rentrer en France (je vivais au Brésil depuis 6 mois). Je vais profiter de mes dernières semaines au Brésil, et pour cette raison il n’y aura qu’un numéro hebdomadaire pendant quelque temps. Si tout se passe bien, le rythme de deux articles par semaine devrait reprendre d’ici la fin du mois.
Je tenais vraiment à être extrêmement régulier pour ce journal, et je me raccrocherais à cette régularité dès que possible, mais parfois les événements de la vie sont indépendants de notre volonté. J’espère que vous comprendrez !
Bonne lecture.
Il est temps de faire une rapide mise à jour sur l’inflation. Dans ce rallye de début 2023, le repli de l’inflation est un des facteurs qui a joué. Les intervenants retrouvaient une certaine confiance dans l’économie et la FED, pariant sur un atterrissage en douceur.
Une inflation vaincue sans douleur ? Si vous me suivez depuis le début, vous savez que c’est quelque chose d’improbable, qui n’est en tout cas jamais arrivé dans l’histoire moderne. Cette fois c’est différent ?
L’inflation a baissé depuis quelques mois, mais est ce qu’elle a baissé grâce à l’intervention de la FED ou grâce à d’autres facteurs ?
L’inflation des biens a par exemple chuté, mais l’inflation des services a explosé entre-temps, maintenant l’inflation arrive à un plateau lors des derniers CPI.
Les prises de décisions monétaires de la banque centrale prennent du temps à se faire ressentir, et d’autres éléments sont à prendre en compte.
Par exemple, le prix de la nourriture est très fortement corrélé avec le prix de l’engrais.
Ainsi, cet élément indépendant de la FED refroidi l’inflation, bien qu’il ne compose que 14% du CPI. L’inflation des biens a bien chuté depuis la fin d’année 2022, mais c’est l’inflation des services qui prend désormais le relais.
Reste qu’il est probable que les prises de décisions de la FED commencent seulement actuellement à se faire ressentir, et que le repli de ces derniers mois était dû à des facteurs autres que la politique monétaire.
Nous en avions déjà parlé, mais Volcker pour tuer l’inflation avait dû passer les taux d’intêret réel positif.
Pour rappel, le taux d’intêret réel représente la quantité d’intêret que vous gagnez ajusté à l’inflation.
Par exemple, une obligation me rapporte annuellement 3%, mais le taux d’inflation annuel est de 5%. Mon taux d’intêret réel est alors de 3-5 = -2%.
Nous sommes encore bien loin des 10%, ou même d’un taux réel positif (symbolisé ici par le trait rouge) qu’il a fallu à Volcker pour vaincre l’inflation. Mais il y a une dissonance actuellement qui tiraille la FED.
Dans ce document, la FED admet que la politique monétaire restrictive à elle seule ne pourra pas résoudre le problème d’inflation.
Ce papier parle également d’une probable longue période de stagflation si la politique monétaire restrictive perdure.
Dans ce même papier nous pouvons lire ceci :
“Lorsque les déséquilibres budgétaires sont importants et que la crédibilité budgétaire s'effrite, il peut devenir de plus en plus difficile pour l'autorité monétaire de stabiliser l'inflation autour de son objectif souhaité. Si l'autorité monétaire augmente les taux en réponse à une inflation élevée, l'économie entre en récession, ce qui augmente le ratio dette/PIB. Si le resserrement monétaire n'est pas soutenu par l'attente d'ajustements budgétaires appropriés, la détérioration des déséquilibres budgétaires entraîne une pression inflationniste encore plus forte. Il en résulterait un cercle vicieux de hausse des taux d'intérêt nominaux, d'inflation croissante, de stagnation économique et d'augmentation de la dette.”
Il faut donc autre chose qu’une politique restrictive pour que la FED gagne ce combat, il faudra aussi que l’état allège drastiquement ses dépenses.
Entre autres, ce papier admet que la FED ne va pas gagner ce combat contre l’inflation. Elle est littéralement en duel avec le gouvernement.
Car oui, en amont de l’élection présidentielle américaine qui se déroulera en novembre 2024, il est peu probable que la FED se décide à trop faire céder l’économie. Dans le premier article sur le sujet, nous avions vu les prérequis pour ramener l’inflation à 2%, et cela incluait un chômage élevé de longue durée.
D’un autre côté, l’insolvabilité de l’État américain vis-à-vis de sa dette forcera la FED à changer de stratégie.
Le relèvement de l’objectif d’inflation est une dure épreuve pour la FED. Elle met en péril sa crédibilité.
Nous savons désormais que l’objectif des 2% à court terme est simplement irréalisable. Les politiques ne laisseront pas le chômage exploser et la croissance faiblir avant les élections.
Il reste alors ce choix de modifier l’objectif d’inflation, qui paraît presque irréaliste tant l’objectif 2% est un dogme aux yeux de tous.
Mais il semblerait tout de même que la FED introduit cette idée, dans une note réalisée par des chercheurs de Cleveland.
Nous pouvons y lire plusieurs choses tout à fait intéressantes :
D’une part, le modèle de prévision en matière de chômage de la FED prévoit une inflation à 2.75% d’ici la fin 2025.
Et il faudrait ajouter à cela plusieurs années pour atteindre les 2.1%.
Autre élément assez dissonant avec le discours de la plupart des membres de la FED, qui prônent l’atterrissage en douceur : il faudra une récession profonde pour revenir à des niveaux d’inflation de 2%. Plus précisément, une à deux années de chômage à plus de 7%.
En bref, dans ce papier la FED admet que le coût sur l’économie pour ramener l’inflation à deux pourcents sera trop élevé, et qu’elle sera forcée de remonter l’objectif d’inflation pour au moins les prochaines années. Il est très probable que les autres pays ayant cet objectif le relèveront aussi.
Le travail de la FED lors des prochaines années devrait probablement être d’expliquer que l’objectif d’inflation va être modifié, et le justifier. Si une inflation plus élevée mais stable ne pose pas de problème (hormis rogner davantage le pouvoir d’achat des citoyens), alors l’objectif sera définitivement relevé à 3%.
Il y a plusieurs guerres qui seront menées dans les prochaines années, et qui amèneront des poussées inflationnistes.
Dans un premier temps, l’escalade de rivalité entre l’Occident et la Russie / Chine (et leurs alliés).
Que ce soit le conflit Russie - Ukraine, qui peut faire basculer l’OTAN dans le conflit en cas de débordement, ou la Chine qui cherche à s’approprier Taïwan contre la volonté des USA : les différents pays du monde entier se réarment.
Ainsi, les états dépensent plus dans leur armement, ce qui pèse sur les finances publiques.
L’autre guerre sera celle contre le changement climatique, et il y a évidemment une corrélation avec la stagflation des années quatre-vingt dont nous avions parlé ici :
Cette guerre climatique sera coûteuse également, et ne pourra certainement pas se répercuter sur la croissance. De plus, les effets se feront sentir des dizaines d’années plus tard.
Pour les pays qui empruntent leur propre argent, l’inflation est un bon élément : la dette est plus simple à rembourser si l’argent perd de sa valeur. C’est une taxe sur le dos des épargnants au profit des emprunteurs.
Quand un pays emprunte en devise étrangère, ça devient plus compliqué. Comme la Grèce il y a quelques années, le pays peut avoir à faire à un défaut de paiement.
Et comme j’ai l’habitude de le répéter, quand vous lisez cette newsletter prenez toujours en compte le nombre de risque inconnu. Un crash violent du marché est extrêmement probable si un conflit Chine - USA se matérialisent, et on ne parlera alors plus de stagflation. Et il y a des centaines d’événements plus improbables les uns que les autres.
Donc construisez votre portefeuille dans l’idée qu’il doit être résistant à toute situation, même si vous vous trompez.
Vous n’en serez que plus serein.
Si mon travail vous a plu, je vous invite à partager, liker et commenter, c’est la meilleure façon de me soutenir !
Merci de m’avoir lu :).
Comme tu le dis, parfois les éléments extérieurs nous amènent à ré-orinter notre gouverne. Tes articles étant déjà bien fournis, nous en avons bien assez à ingurgiter et comprendre pour une période plus longue !
Connais-tu MacroAlf sur Twitter et la newsletter de TheMacroCompass ? Unfortunately not free anymore for the full content mais très intéressante...
Bon retour à toi !
Ça peut être intéressant, que tu fasses un article sur les investissements « stable » dans le temps qu’importe les crises, comme tu conseilles à la fin (NFA oc).
Sinon merci pour cet article !