Nous parlons depuis la création de cette newsletter presque exclusivement des USA. La raison principale est qu’un des sujets les plus importants en ce moment (du moins, à mon sens) est la politique monétaire, et de ce côté, la Banque Fédérale Américaine donne la marche à suivre.
L’anomalie dans cette “récession imminente” est que le marché du travail reste particulièrement fort, et comme nous en avons discuté en début de semaine, le pivot de la FED sera probablement marqué par une hausse du chômage. Disséquons ensemble les dernières données à notre disposition concernant le marché du travail aux USA.
Le titre est une citation du film “The Big Short” et la véracité de cette statistique n’a pas réellement été prouvée.
Avec la fin de l’argent illimité auxquels les marchés s’étaient habitués ces dernières années, les investisseurs deviennent de plus en plus sélectifs dans leurs achats, cherchant avant tout une rentabilité financière.
Les intervenants s’habituent donc à ce nouvel environnement, marqué par un combat des banquiers centraux contre l’inflation et la hausse des taux qui l’accompagne. Les valorisations restent élevées pour le moment et l’inflation est toujours bien au-dessus de l’objectif, il est donc difficile pour le moment d’imaginer les capitaux revenir en masse vers ces dernières tant que l’environnement reste risk-off.
Ainsi, les récents licenciements massifs ont pour le moment étés concentrés sur le secteur de la tech. En 2023 comme vu dans l’article de ce début de semaine :
Microsoft : 10 000
Amazon : 18 000
Goldman Sachs : 3 200
Blackrock : 500
The Bank of New York Mellon Corporation : 1500
Coinbase : 950
Et les principaux en 2022 :
Nous voyons que sur ces derniers mois, c’est bel et bien particulièrement le secteur de la technologie qui a été touché (avec les valeurs bancaires) pour les raisons citées précédemment.
Tout comme le marché des cryptos, qui a sérieusement été touché par la hausse des taux directeurs, et évidemment les débâcles de nombreux acteurs très importants de l’écosystème tels que Génesis, Celsius, Luna et enfin, FTX. Ces scandales ont provoqué une méfiance des investisseurs plus importante vis-à-vis de ce microcosme, mais l’avantage c’est qu’il n’y a désormais plus beaucoup d’acteurs qui peuvent encore vendre des quantités importantes de cryptos, à part Michael Saylor et Tesla.
Pour en revenir au chômage, l’écosystème crypto n’a pas été épargné et Cryptocom et Coinbase ont également été touchés par des vagues de licenciement en 2022.
Toujours est-il qu’historiquement, les licenciements dans le secteur technologique n’ont pas été de très bons annonciateurs d’une détérioration plus large du marché du travail. Le graphique ci-dessus montre les annonces de licenciements, dans le secteur de la tech en bleu clair et sur tout le marché du travail en bleu.
Nous pouvons voir que les licenciements massifs ont été bien plus rares que les périodes de licenciement dans le secteur technologique. De plus, la tech ne représente que moins de 3% de la population active américaine.
Nous devons donc utiliser d’autres données.
Le pourcentage de sondés du secteur manufacturier aux USA indiquant une augmentation des nouvelles commandes a atteint niveau jamais vu depuis 2009.
De même que le pourcentage de sondé indiquant une croissance.
Le coût de la vie inquiète également, de moins en moins d’entreprises prévoient d’augmenter leurs prix. Une donnée positive vis-à-vis du combat contre l’inflation, mais qui indique une peur de faire fuir les consommateurs par des prix trop élevés.
Ces quelques données montrent bel et bien que la coupure du robinet monétaire fait son effet. La réouverture de la Chine suite à la fin de la politique zéro covid pourrait venir en aide à l’économie, mais l’impact restera probablement léger pour les Etats-Unis.
Ces graphiques qui nous proviennent de Morgan Stanley sont particulièrement intéressants :
Le premier nous montre que la confiance des dirigeants envers l’économie est à son plus bas depuis la crise des subprimes.
Le deuxième montre que nous sommes presque à un niveau record de petites entreprises qui pensent que nous sommes dans une bonne période pour étendre son activité.
L’indice PMI est un indice qui évalue le niveau relatif des conditions des entreprises, dont celles de l'emploi et de la production, les nouvelles commandes, les prix, les livraisons des fournisseurs et les stocks. (Investing)
Il est intéressant de remarquer que l’indice PMI ralenti sérieusement depuis février 2021. Une ligne à ne pas franchir : les 45 points. À chaque fois que nous sommes allés en dessous, alors le chômage a grimpé. Et comme nous avons vu en début de semaine, c’est très probablement le chômage qui fera pivoter la FED.
Toujours par Morgan Stanley, voici les prévisions de bénéfice par action du S&P500 en bleu et le taux de chômage en orange. Un graphique qui ressemble au précédent, et qui ne présage rien de bon.
Pour terminer, le graphique "Conference Board Jobs Plentiful vs. Hard to Get" est un indicateur à propos de l'équilibre entre les opportunités d'emploi et les demandeurs d'emploi. Il est basé sur les réponses à la question "à quel point est-il difficile de trouver un emploi en ce moment ?". Nous pouvons à nouveau constater qu’il arrive vers des seuils dangereux.
Vous aviez remarqué qu’ici, la plupart de mes graphiques sont tirés d’un rapport de Morgan Stanley, et que ces derniers continuent pourtant de prévoir un soft-landing de l’économie américaine.
Ceci étant dit, nous avons ici constaté que le marché de l’emploi se tend bel et bien au fur et à mesure que la période de resserrement monétaire continue. Pour autant, actuellement, les données concernant l’emploi se portent bien, non ?
En utilisant les données du BLS (Bureau of Labor Statistics), nous pouvons voir que les données montrent déjà une certaine précarisation de l’emploi.
Le nombre d’employés à plein temps stagne, tandis que le nombre d’employés multipliant les contrats à mi-temps est à la hausse.
Ces données sont à remettre en perspective. Il ne faut pas s’empresser de tirer la sonnette d’alarme, une hausse du nombre de travailleurs à mi-temps et une baisse du nombre de travailleurs à plein temps avaient déjà été observées en juillet 2022.
Cependant, ces données restent à surveiller, notamment si elles se continuent sur cette tendance le mois prochain.
Ce premier constat concorde bien avec le fait que le nombre d’heures moyennes par les employés du secteur privé est en baisse durant décembre 2022. Les employés gagnent de moins en moins d’argent.
Il ne faut pas oublier que la FED, pour refroidir l’économie cherche à ralentir également le marché de l’emploi.
Le problème de ce ralentissement du marché du travail, c’est qu’il tombe assez mal. En effet, l’inflation a eu raison du pouvoir d’achat des travailleurs, et le taux d’épargne personnel a atteint un niveau qui n’a pas été vu depuis 2005.
Les citoyens américains s’endettent donc, comme le montre ce graphique des crédits à la consommation.
Comme nous en avions également discuté en début de semaine, le risque si le chômage venait à s’aggraver est que les citoyens, lourdement endettés, ne puissent plus affronter leur dette. Il en résulterait alors la cause d’une large partie des crises économiques : une crise du crédit.
Nous n’en sommes pas là, mais ce type d’événement pourrait être l’événement qui ferait pivoter la FED… Trop tard ?
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