48 heures. C’est le temps qu’il a fallu à SVB à faire faillite, un événement qui a beaucoup fait parler dans les médias. Suite à cela, les déposants américains se sont intéressés de nouveau aux rendements proposés par leur banque et les risques associés.
Et les banques régionales ne peuvent pas rivaliser avec les taux proposés par les fonds monétaires, ce qui peut amener à un second bankrun, plus lent et progressif.
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Pendant que Powell tentait de rassurer les marchés lors des récents épisodes de Bankrun, Janet Yellen a ajouté de l’huile sur le feu : en déclarant qu’il n’était pas prévu d’augmenter le fond d’assurance des dépôts.
Peu après, Bill Ackman (gérant du Hedge Fund Pershing Square Capital Management) a écrit sur Twitter :
Hier, @SecYellen a fait des commentaires rassurants qui ont conduit le marché et les déposants à croire que tous les dépôts étaient désormais implicitement garantis. Ces propos, associés à une fuite suggérant que @USTreasury, @FDICgov et @SecYellen cherchaient un moyen de garantir tous les dépôts, ont rassuré le secteur bancaire et les déposants.
Cet après-midi, @SecYellen est revenue sur le soutien implicite apporté hier aux petites banques et aux déposants, tout en précisant que la garantie des dépôts à l'échelle du système n'était pas envisagée.
Nous sommes passés d'un soutien implicite aux déposants à une déclaration explicite de @SecYellen aujourd'hui selon laquelle aucune garantie n'est envisagée, alors que les taux sont maintenant portés à 5 %. Le seuil de 5 % rend les dépôts bancaires beaucoup moins attrayants. Je serais surpris si les sorties de dépôts ne s'accélèrent pas immédiatement.
Une garantie temporaire des dépôts à l'échelle du système est nécessaire pour arrêter l'hémorragie. Plus l'incertitude se prolonge, plus les dommages causés aux petites banques seront permanents et plus il sera difficile de faire revenir leurs clients.
Entre autres, il demande d’assurer TOUS les fonds des déposants américains. Actuellement, les déposants sont assurés à hauteur de 250 000$, mais ce n’est que purement hypothétique, étant donné que le fond d’assurance du FDIC n’est “que” de 128 milliards.
Le total des dépôts quant à lui représente 18 milliers de milliards de dollars. Autant vous dire que si un bankrun arrive, il n’y en aura pas pour tout le monde.
Vous devinez désormais le problème avec cette déclaration de Yellen, elle pousse les déposants à se détourner de leurs petites banques régionales pour placer leur argent dans des banques “Too Big To Fail”, ou dans les fonds monétaires.
Il y a deux raisons à cela, d’une part leurs fonds ne sont pas en sécurité comme nous venons de le voir juste au-dessus, mais en plus les petites banques ne peuvent pas proposer des taux aussi intéressants que les rendements sur les obligations souveraines. Une obligation souveraine de l’État américain à 10 ans rapporte actuellement 3.5%, et elles sont réputées pour être parmi les actifs les plus sûrs du monde.
Si les capitaux se retrouvent concentrés sur une poignée de banque, l’ensemble du système bancaire se retrouvera fragilisé, car la moindre défaillance d’un mastodonte entraînera :
Un chaos financier planétaire
Ou
Un plan de sauvetage des banques par les gouvernements (comme durant toute la dernière décennie, n’est ce pas ?)
Le bankrun de SVB était rapide, la banque a fait faillite en 48h dans la panique générale. Et si un deuxième bankrun était en train de se mettre en place ?
Il est même déjà en place. La première vague s’est réalisée en raison de craintes vis-à-vis de la solvabilité, la deuxième est motivée par :
Un différentiel entre les taux d’intêret trop élevé, les banques ne peuvent pas s’aligner sur les taux proposés par les fonds monétaires.
Les obligations souveraines sont plus sûres que la détention d’argent liquide dans une banque régionale.
Le Bank Term Funding Program (BTFP) a su rassurer les déposants et éviter une fuite trop large, mais des millions d’Américains se sont de nouveau intéressés aux taux pratiqués par leurs banques, et ont vu que les fonds du marché monétaire étaient bien plus intéressants. Les banques ont pu, grâce au BTFP, accumuler des réserves de liquidité afin de faire face aux retraits de leurs clients.
C’est du moins ce qu’indique la récente note de Barclays dont vous avez un extrait ci-dessus.
Nous voyons que le retrait des banques régionales ne se répercute pas entièrement sur les banques nationales, tout en observant une arrivée massive de liquidités dans les fonds des marchés monétaires.
Après 15 ans de taux d’intêret négatifs, les déposants ne prêtaient simplement pas attention aux taux. Il faillait qu’un événement arrive pour qu’ils s’y intéressent à nouveau, et également une différence suffisamment marquée entre le taux pratiqué par les banques régionales et le taux du marché monétaire.
La banque ne facture pas directement les services qu’elle propose, tel que l’accès à une carte, aux guichets automatiques, l’accès à notre portefeuille via une application ou plus généralement, la gestion de votre argent. En revanche, les frais sont ponctionnés au niveau des taux, qui sont plus bas que ceux proposés par les fonds monétaires.
Ci-dessus, le solde de fonds monétaires de premier ordre. Les fonds monétaires de premier ordre sont un type de fonds commun de placement qui investit dans des instruments du marché monétaire de haute qualité, comme des bons du Trésor et des obligations d’entreprise AAA. Nous avions discuté des manières de noter les obligations dans cet article :
Les rendements de ces fonds sont encore plus intéressants que les rendements des fonds positionnés exclusivement sur les obligations souveraines.
Des écarts importants entre les taux de la FED et les taux de dépôts ont déjà été observés lors des périodes récentes de hausse des taux, en 1994, 1999, 2004 et 2015.
Comment lire ce graphique ? S’il est positif, les déposants sont mieux payés en plaçant leur argent dans les fonds monétaires plutôt que les laisser dans leur banque, et inversement.
Pour autant, les déposants n’ont jamais sorti massivement leur capital des banques. Est-ce que cette fois-ci, c’est différent ? Comme dit précédemment, il est possible que les citoyens aient été anesthésiés par 15 ans de taux d’intêret négatif, et que les récents événements les ont poussés à s’y intéresser de nouveau.
Également, les banques ne répercutent pas immédiatement les taux de la FED.
Le graphique ci-dessus représente l’évolution entre l’écart du taux de la FED et du taux de dépôt. L’axe X représente le nombre de trimestre écoulé depuis la première hausse des taux de la FED.
Nous pouvons voir que l’écart entre les taux est le plus élevé après 4 trimestres. Dans les deux autres cas de ce graphique, les taux de dépôt ont continué à augmenter même après que la FED a commencé une baisse des taux, probablement pour des raisons concurrentielles.
Lors de ces quatre hausses des taux entreprises par la FED, le solde des fonds monétaires a augmenté en moyenne de 20%.
Une étude menée par la FED a estimé la corrélation entre les taux décidés par la FED et les capitaux injectés dans les fonds du marché monétaire.
Il en ressort qu’une augmentation de 1% des fonds fédéraux accroît les soldes des fonds monétaires de 100 milliards à 150 milliards de dollars sur deux ans.
Sur le graphique suivant, Barclays index le solde des fonds monétaires sur leur niveau au début du resserrement de la FED.
En 2004 et 2015, l’afflux de capitaux vers le marché monétaire a été lent, tout comme la hausse des taux directeurs à ces périodes.
Mais dans tous les cas, nous voyons que c’est à la fin du cycle de resserrement que les capitaux afflux fortement vers le marché monétaire, et plus précisément après 12 mois.
Quand l’écart approche les 200 points de bases, les déposants commencent à se détourner des banques pour s’intéresser aux fonds monétaires, et ce à un rythme de plus en plus rapide.
Beaucoup d’éléments indiquent que la fuite des banques régionales vers les fonds monétaires va continuer.
Ce qui mettra fin à cette hémorragie sera assurément un pivot de la FED. Ce bankrun continuera d’ici là.
J’espère que vous avez apprécié cette lecture.
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