Comment l'accord sur le plafond de la dette amènera la prochaine crise bancaire ?
Tout est une question de liquidité
Avant-propos : Dans une optique d’amélioration, j’ai réalisé un questionnaire afin de mieux connaître mes lecteurs. Ça ne prend que 3 petites minutes, donc si vous avez un peu de temps à m’accorder, vous pouvez cliquer sur le bouton ci-dessous, cela m’aidera grandement !
Merci, et bonne lecture.
Grande surprise, les USA ont trouvé un accord vis-à-vis du plafond de la dette. Regardons de plus près le texte, et discutons de ce à quoi il faut s’attendre à la suite de cette nouvelle.
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Pour rappeler rapidement les faits, en citant un précédant article :
Le plafond de la dette représente le montant maximal qu’une entité gouvernementale peut emprunter pour financer ses dépenses. Ce niveau est important, car il empêche (normalement) qu’un état emprunte plus qu’il n’est solvable.
Les USA pourraient se retrouver en défaut de paiement si aucun accord n’est trouvé entre démocrates et républicains pour relever le plafond de la dette, qui sera atteint d’ici le premier juin selon Janet Yellen.
Je vous invite à lire le début de l’article suivant pour plus de contexte, mais si vous suivez l’actualité financière, je ne vous apprends probablement rien.
Comme prévu, un accord a été trouvé. Vous pourrez trouver le texte intégral à ce lien.
Dans l’état actuel, l’accord prévoit :
Une légère réduction des dépenses non militaires pour l'exercice fiscal 2024, qui commence le 1er octobre, et un plafond de 1 % sur les augmentations de dépenses pour l'exercice fiscal 2025. Les programmes de santé des anciens combattants ne seraient pas concernés.
Les dépenses militaires pour l'exercice 2024 seraient au niveau de la demande de budget de M. Biden pour l'exercice 2024, équivalent à une augmentation de 3%.
Une réduction de 21,4 milliards de dollars des fonds approuvés par le Congrès l'année dernière pour permettre à l'IRS (L'Internal Revenue Service est l'agence du gouvernement fédéral des États-Unis qui collecte l'impôt sur le revenu et des taxes diverses) de renforcer l'application des lois fiscales et de moderniser sa technologie. Initialement, il s'élevait à 80 milliards de dollars.
Une disposition visant à pousser le Congrès à abandonner sa pratique consistant à financer le gouvernement au moyen d'un seul projet de loi omnibus, comme il l'a fait ces dernières années, et à revenir à la tradition consistant à adopter 12 projets de loi de crédits qui couvrent les différentes parties du budget fédéral. Cette mesure, qui pourrait permettre aux conservateurs de soutenir l'accord, a été proposée par un républicain influent, Thomas Massie (R., Ky.), qui estime que le Congrès doit respecter l'ordre établi dans la conduite de ses travaux.
La disposition prévoit que le gouvernement américain fonctionne dans le cadre d'une résolution dite de continuité, à 99 % des niveaux de dépenses de l'année précédente, jusqu'à ce que les projets de loi de finances soient promulgués. Les législateurs attendaient le texte pour connaître la date à laquelle les réductions seraient déclenchées.
L'extension jusqu'en 2030 de l'obligation pour certaines personnes valides sans personne à charge d'occuper un emploi ou d'être inscrites à un programme de formation professionnelle pour recevoir des bons d'alimentation, ce qui est une priorité pour les républicains. [Cette mesure exclut malheureusement Medicaid. Elle ne s'applique qu'aux adultes à faibles revenus et sans personne à charge âgés de 49 à 54 ans. Elle sera introduite progressivement sur une période de trois ans. Tous ces éléments sont bien inférieurs à l'accord initial adopté par McCarthy]
Imposition d'un délai d'un ou deux ans pour la réalisation des études environnementales des projets d'énergie et d'infrastructure. Le projet de loi permet au promoteur d'un projet d'intenter une action en justice si l'examen n'est pas terminé à temps.
Actuellement, les études requises en vertu de la loi de 1970 sur la politique environnementale nationale (National Environmental Policy Act) prennent en moyenne 4,5 ans et peuvent impliquer plusieurs agences. L'accord prévoit qu'une seule agence assume la responsabilité de l'étude.
Accélérer l'obtention des derniers permis nécessaires à l'achèvement du Mountain Valley Pipeline, un gazoduc de 303 miles entre la Virginie-Occidentale et la Virginie.
McCarthy, le président de la chambre des représentants des USA, et également membre du parti républicain, semble approuver cet accord. Une approbation qui a fait grand bruit au sein de son parti.
Tout est dit.
Les démocrates ont obtenu tout ce qu'ils voulaient avec ce projet de loi et n'ont pas à défendre leurs dépenses inconsidérées avant les élections de 2024. C'est une victoire pour eux.
Cet "accord" est insensé.
Un relèvement du plafond de la dette de 4 milliards de dollars sans aucune réduction n'est pas ce que nous avons accepté.
Nous n'allons pas voter pour la faillite de notre pays. Le peuple américain mérite mieux.
Au vu de la réaction des républicains, cette décision pourrait coûter à McCarthy sa place de président de la chambre des représentants. Cette première partie était davantage pour vous tenir au courant de l’actualité politique américaine, mais nous sommes ici pour discuter d’économie et de marché, non ?
Cet accord, intégré comme une bonne nouvelle pour les marchés car les USA sont “sauvés” du risque de défaut, pourrait bien être le déclencheur d’une nouvelle vague de faillite pour les banques américaines.
Revenons sur un petit peu de vocabulaire :
Le “Treasury General Account” (TGA) est un compte détenu par le département du Trésor des USA. C’est un “compte bancaire” centralisé, appartenant au gouvernement américain, utilisé pour recevoir, détenir et dépenser les fonds fédéraux. Il sert à payer les dépenses gouvernementales, les salaires des fonctionnaires, les prestations sociales, les remboursements de dette publique…
Les soldes de réserves détenus auprès de la Réserve Fédérale (FED) sont les réserves représentant les soldes de fonds de réserve détenus par les institutions de dépôt pour respecter les exigences de réserve établies par la Réserve fédérale. Les banques doivent conserver un certain pourcentage de leurs dépôts dans des réserves, et ces réserves sont détenues auprès de la Réserve fédérale. Les soldes excédentaires sont les montants dépassant les exigences de réserve et peuvent être conservés par les banques.
Première chose ; les comptes du trésor américain devraient continuer de tendre vers 0 jusqu’à ce que les mesures soient transcrites dans un projet de loi, puis votées.
Ensuite, si la loi est votée (elle a été votée ce matin), les comptes du trésor américain devront être renfloués. Les USA ne laisseront pas les comptes du trésor américain rester aussi bas. (Pour rappel, si les comptes du trésor américain sont à 0, le pays fait défaut. Ils s’assurent, depuis la crise de 2008, de toujours avoir un certain montant sur les comptes du Trésor).
Lorsque le gouvernement dépense de l’argent, il utilise le compte du Trésor Américain, détenu auprès de la FED.
Pour s’assurer que les paiements sont exécutés et que le compte du Trésor dispose des fonds nécessaires, il faut gérer les réserves détenues auprès de la FED. Les institutions financières conservent des réserves pour répondre aux exigences de la FED. Quand le gouvernement fédéral dépense plus que ce qui est disponible sur son compte du Trésor, il obtient des fonds via l’émission d’obligations, ou via des emprunts sur le marché des repos (nous en avons discuté dans cet article). Après l’obtention de ces fonds supplémentaires, ils sont déposés sur le compte du Trésor américain.
Le gouvernement va donc émettre des obligations souveraines pour financer le renflouement des comptes du Trésor américain.
Quand le gouvernement émet des obligations souveraines, il les vend sur le marché primaire pour lever des fonds. Pour acheter ces obligations, les institutions financières transfèrent de l’argent du système bancaire (les réserves détenues auprès de la FED) pour acheter des obligations (ce qui renfloue les comptes du Trésor Américain).
Vous commencez à voir le problème ?
Si non, le graphique ci-dessous devrait être plus clair.
Les réserves auprès de la FED sont corrélées au SP500. Comme nous l’avions déjà remarqué : tout ce qui compte, c’est la liquidité.
Grâce à Goldman Sachs, nous avons un rapport sur ce qu’il s’est passé quand les réserves de la FED ont baissé de plus de 2.5%.
Le NASDAQ chute de 1.43% et le SPX baisse de 1.32%. Le vix s’active également, +7% tout comme la volatilité sur les obligations (MOVE) qui monte à 1.83%.
Nous avons également une estimation de ce qu’il se passe quand les réserves du G4 baissent de plus de 2.5%. Le G4 représente ici quatre banques centrales : la FED (USA), la banque centrale européenne, la banque centrale chinoise, et la banque centrale japonaise.
Le DXY (indice de force du dollar américain) prend +2.18% et le NASDAQ baisse de 3.12%.
Pour rester relativement bref ; un climat “risk-off”.
Vous vous souvenez de cet article ?
Pour rappeler rapidement le propos : les rendements obligataires américains poussaient les citoyens américains à déplacer les fonds de leur banque vers les fonds monétaires. Le rendement y était bien plus intéressant.
Nous savons que l’État américain va devoir, sous peu, émettre de nouvelles obligations afin de renflouer les comptes du Trésor.
Si la demande ne suit pas, le prix des obligations va baisser (offre > demande) et donc, les rendements vont de nouveau grimper. Si les rendements grimpent de nouveau, cela accentuera l’intêret pour les citoyens à déplacer les fonds conservés dans leur banque vers les fonds monétaires, fragilisant davantage les banques.
Comme nous pouvons le voir, les fonds sortent des indices actions, et le marché monétaire rafle la mise. Qui voudrait garder ses fonds dans une banque avec un plus grand risque de contrepartie, alors que vous pouvez prêter de l’argent au gouvernement américain pour être rémunéré entre 4 et 5% ?
Les marchés sont pilotés essentiellement par la liquidité. Deux éléments ont permis aux marchés d’être aussi haussiers en ce début d’année 2023 :
La narrative IA
L’augmentation des réserves des banquiers centraux (et pas seulement de la FED)
L’accord est effectivement une bonne nouvelle. La situation actuelle est meilleure qu’elle ne l’aurait été en cas de défaut des USA. Mais, il faut bien faire attention à regarder tout ce que cela implique.
Pour synthétiser cet article :
Le relèvement du plafond de la dette empêche les USA de faire faillite, mais il implique également que les USA vont devoir émettre de nouvelles obligations pour reconstituer un socle de “sécurité” sur le compte du Trésor Américain. Pour acheter ces obligations, les banques commerciales vont retirer de la liquidité placée auprès des réserves de la FED, et si le rendement augmente tout de même, cela exacerbera l’intêret des citoyens américains envers les fonds monétaires, fragilisant davantage les banques.
J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire cet article. Je remarque (et je pense que vous aussi), que les articles se lient de manière quasiment systématique. C’est un problème si vous lisez une partie des articles, mais ce qui est immensément bénéfique si vous en lisez la (quasi) totalité. J’espère que vous arrivez, au fur et à mesure, à faire ces liens dans ce monde immensément complexe qu’est la finance.
Je poste sur Instagram les graphiques les plus importants à retenir.
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À lundi !
Toujours aussi instructif et agréable à lire, bravo ! (Pour info, je crois avoir vu une coquille " l'obtention des derniers permit nécessaires...").
Vous avez indiqué que le prix des futures obligations va baisser en raison de l'offre > demande, or la possible relève des taux d'intérêts par la FED en juin pourrait accélérer la tendance et mettre les banques encore plus à mal, non ?
Complet et concis, parfait et merci !