Dans l’article du jour, nous revenons sur un président de la banque fédérale américaine qui a marqué l’histoire de l’économie : Paul Adolph Volcker.
Sommaire :
👉🏼 L’homme qui a dompté la grande inflation des années quatre-vingt
👉🏼 Le contexte
👉🏼 Comment atténuer une inflation de 12%
👉🏼 La politique monétaire n’est qu’un facteur
👉🏼 Même Volcker ne pourrait pas refaire du Volcker
Bienvenue sur The Macronomist, si on vous a fait suivre ce mail, je vous invite à vous abonner.
Paul Volcker naît en 1927 et étudie à Princeton, Harvard et la London School of Economics. Il se spécialise rapidement sur les questions monétaires. Sa carrière a été marquée par des allers-retours au sein d’institutions privées et publiques : La FED en 1952 en tant qu’économiste, économiste financier à la Chase Manhattan Bank en 1957, directeur d’analyse financière en 1962 au trésor américain… Il aura également un rôle prépondérant dans la fin de la convertibilité du dollar en or (la fin des accords de Bretton Woods en 1971), au côté de Richard Nixon.
En 1975, il est président de la réserve fédérale de New York. En 1979, sous la présidence de Jimmy Carter, il devient le directeur principal de la FED. C’est à cette période qu’il deviendra la figure emblématique, qui mettra fin à l’inflation.
Pour terminer cette courte introduction : Volcker était l’archétype du fonctionnaire américain. Toujours dans un beau costume, cigare aux lèvres, et une impopularité assumée.
Volcker est arrivée à la présidence de la banque fédérale américaine en 1979, à cette période les USA sont en pleine crise économique.
D’une part, la fin des accords de Bretton Woods a mis un coup au dollar américain. Nous pouvons le voir sur le graphique ci-dessous, le DXY (l’indice de force du dollar américain) a chuté de 28% les années ayant suivi la fin des accords de Bretton Woods.
Pour rappel, l'objectif principal de l'accord était de promouvoir la stabilité économique mondiale en évitant les dévaluations compétitives et les fluctuations excessives des taux de change. Il a établi un système de taux de change fixes, où les monnaies étaient liées à l'or et le dollar américain était la principale monnaie de réserve.
Dans un même temps, deux chocs pétroliers ont fait exploser le prix du pétrole. Le premier, en 1973, a fait augmenter le prix du baril de 3,50 $ à 15$ (soit +317%). Le second, en 1979, a fait augmenter le prix du baril de 15$ à 39$ (+166%).
Les raisons de ces crises pétrolières sont vastes, et contestées. Dans le cas du choc pétrolier de 1971, il serait causé par le pic de production de pétrole des USA, à cette période le premier producteur mondial. Une des autres raisons émises par plusieurs économistes est la fin des accords de Bretton Woods, qui comme nous venons de le voir, ont fortement dévalué le dollar.
Pour la première et la seconde crise pétrolière, l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) y est pour quelque chose. En 1973, à la suite de la guerre du Kippour, les pays du golf décident de réduire leur production. En 1979, la révolution iranienne tend la production, et le prix du pétrole explose à nouveau.
En bref, un cocktail explosif mêlant géopolitique et politique monétaire.
Le pétrole, à cette époque, est la principale source d’énergie pour la quasi-totalité des productions des pays industrialisés. Ainsi, le coût de tous les produits grimpe en flèche.
Cette revue n’est pas une revue d’histoire, je ne suis pas entré dans les détails donc n’hésitez pas à poursuivre vos recherches sur le sujet !
C’est dans ce contexte très tendu que Volcker prend la tête de la banque fédérale américaine, et il a du pain sur la planche. Quand il prend la tête de l’institution, l’inflation est à 12%.
Réponse courte : la montée des taux la plus agressive de l’histoire des USA.
Quand Volcker arrive à la présidence de la FED, il entreprend immédiatement une politique monétaire extrêmement restrictive. Nous pouvons voir sur le graphique ci-dessous les taux de la FED en noir, l’inflation en jaune et le taux de chômage en violet.
Cette première hausse des taux agressive a déclenché une courte récession en janvier 1980 qui s’est terminé 6 mois plus tard.
Nous pouvons voir que, dans un premier temps, en même temps que l’inflation se replie, Volcker baisse les taux directeurs. Les mesures restrictives entreprises étaient extrêmement impopulaires, au point qu’il était sous protection des services secrets.
Les cris des travailleurs au chômage et d’une économie à l’agonie ont eu raison de son combat contre l’inflation, et très vite elle refait surface. C’est ce qu’on a appelé l’erreur Volcker, et la crédibilité de la FED dans son combat contre l’inflation est remise en question. L’historique est sur le graphique ci-dessous.
Cette fois, Volcker ne se fera plus avoir. Il monte les taux jusqu’à 19%, et ils seront maintenus au-dessus de 14% pendant 7 mois. Une récession, plus importante se profile, elle durera de juillet 1981 à novembre 1982.
Le premier janvier 1987, l’inflation américaine sur 1 an est à 1.15%. Il quitte la présidence de la FED 7 mois plus tard, sa mission étant réussie.
Si Volcker avait ignoré la récession de 1980, l’inflation aurait pu diminuer plus tôt, et la récession aurait probablement duré moins longtemps. Mais vous savez ce qu’on dit, avec des “si”, on refait le monde.
Voilà comment Volcker est passé du méchant qui tue l’économie au héros qui a vaincu l’inflation.
Mais, si la politique monétaire n’était pas le seul facteur à entrer en jeu ?
L’idée ici n’est pas de décrédibiliser le combat exceptionnel de Volcker contre l’inflation, mais plutôt de se pencher sur ce qu’il s’est passé durant ces années et qui a pu aider à vaincre l’inflation.
C’est ici qu’entre en jeu Ronald Reagan, président des USA de 1981 à 1989. C’est un président républicain, et il favorise les philosophies du libéralisme.
En janvier 1981, il signe un décret pour éliminer le contrôle des prix du pétrole, puis il supprime les impôts sur les bénéfices exceptionnels dans la foulée. Les prix élevés du pétrole rendaient intéressants sa production , et avec la fin du contrôle des prix, les productions inondent le marché américain.
En janvier 1986, le prix du baril chute jusqu’à 10,50 $.
Ronald Raegan met également en place l’Economic Recovery Tax Act.
Parmi les éléments clés de cette loi, nous pouvons trouver :
Une réduction des taux d’imposition, pour les particuliers et les entreprises, l’objectif étant de stimuler l’investissement, l’activité économique et l’emploi.
L’indexation de l’impôt sur le revenu pour tenir compte de l’inflation, les seuils de revenu pour chaque tranche d’imposition étaient ajustés à l’inflation, qui faisait rage durant cette période.
L’élimination des déductions pour les dépenses médicales et les intérêts hypothécaires. L’objectif étant de simplifier le code fiscal et compenser les pertes découlant des réductions d’impôts.
La loi Staggers s’est ajoutée à ces mesures concernant l’imposition. Cette fois, c’est Jimmy Carter, le prédécesseur de Ronald Reagan qui l’a signé.
Les éléments clés de la loi Staggers sont :
Réduire les contraintes réglementaires sur les tarifs et les services ferroviaires, permettant aux compagnies ferroviaires de fixer leurs propres tarifs, de négocier des contrats et de déterminer les services offerts. Cela a favorisé une plus grande concurrence et une plus grande flexibilité pour les entreprises ferroviaires.
Restructuration des tarifs : La loi Staggers a autorisé les compagnies ferroviaires à établir des tarifs basés sur les coûts marginaux plutôt que sur les coûts historiques, ce qui permet de fixer des prix plus compétitifs et de réagir plus rapidement aux fluctuations de la demande.
Transfert de responsabilités : La loi Staggers a transféré certaines responsabilités réglementaires du gouvernement fédéral aux États et aux acteurs de l'industrie. Cela comprenait des dispositions permettant aux États de réglementer certaines activités ferroviaires et de prendre des décisions concernant les voies ferrées abandonnées.
Les effets : une concurrence des prix, une meilleure capacité d’investissement, la possibilité d’éliminer les activités non rentables.
Côté démographique, la période est bonne. Les enfants nés du babyboom sont en âge de travailler, et nous voyons une augmentation massive du nombre de travailleurs à partir de 1982.
Cette augmentation massive du nombre de travailleur permet de freiner l’augmentation des salaires et d’éviter une boucle salaire inflation. Dans un même temps, l’émancipation des femmes permet d’ajouter de la main-d’œuvre supplémentaire.
Tous ces éléments ont probablement favorisé la baisse de l’inflation.
Si je vous parle de tout ça, c’est pour deux raisons :
Notre culture financière (je m’inclus ici, je ne sais pas tout, je cherche et j’apprends avec vous !).
Le parallèle avec la période actuelle.
Et, à ce sujet, Volcker a admis lui-même qu’il n’était plus possible de maintenir des taux si élevés. La raison, vous le savez probablement, c’est la dette.
Il l’explique dans la tribune “Ignoring the debt problem”.
“Notre dette actuelle est peut-être gérable à une époque où les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas.
Mais si nous laissons notre dette augmenter et que les taux d'intérêt se normalisent, la charge des intérêts à elle seule étouffera notre budget et éliminera d'autres dépenses essentielles.
Il n'y aurait plus de place pour les programmes d'infrastructure et la reconstruction de la défense qui bénéficient aujourd'hui d'un large soutien".
Les dépenses fédérales ne seraient pas les seules à être comprimées. L'augmentation prévue des déficits fédéraux se disputerait les fonds sur nos marchés financiers et dépasserait de loin la capacité du secteur privé à épargner, à financer l'industrie et les achats immobiliers, et à investir à l'étranger.
Au lieu de cela, nous serions dépendants des investisseurs étrangers qui acquièrent la majeure partie de notre dette, ce qui rendrait le gouvernement dépendant de la "gentillesse des étrangers" qui pourraient ne pas être si gentils que cela au fur et à mesure que les I.O.U. (dette) s'accumulent.
En bref, comme nous l’avions déjà dit : “la hausse des taux d’intêret se heurte à un mur de dette”.
Au dernier trimestre de l’année 2022, le trésor américain a payé un montant record d’intêret de 213 milliards de dollars. Et nous sommes loin, très loin des 20% de taux d’intêret de Volcker, nous ne sommes qu’à 5%.
Jérôme Powell, étant un grand admirateur de Volcker, ne veut pas répéter son erreur et couper les taux d’intérêt trop vite. À vrai dire, il a déjà réalisé cette erreur en affirmant que l’inflation de 2021 était transitoire.
Combien de temps il faudra pour que Powell se retrouve devant le même dilemme que Volcker, à savoir réduire l’inflation ou tuer l’économie ? Ou plutôt, modifier l’objectif d’inflation ou tuer l’économie.
La solution a déjà été trouvée :
En espérant que l’article vous aura plu !
Je poste sur Instagram les graphiques les plus importants à retenir.
Si vous avez apprécié cet article, n’hésitez pas à le partager, aimer et vous abonner.
Et si vous avez des retours ou des questions, vous pouvez répondre à ce mail ou m’écrire à kolepibtc@gmail.com
Merci de dédier votre temps à notre contenu.
À mercredi !