Vos dépôts bancaires sont-ils à l'abri ?
Focus sur le mécanisme de la garantie des dépôts bancaires.
Bon début de semaine à toutes et à tous. En ce lundi, j’avais envie d’évoquer un aspect encore méconnu du système bancaire français, la garantie des dépôts bancaires.
Comment cela fonctionne-t-il ? Pourquoi ce mécanisme a-t-il été mis en place ? Est-il fiable ? Autant de questions auxquelles nous allons répondre au cours de cet article.
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Lorsque vous pensez à l’argent que vous avez sur vos comptes en banques, vous l’estimez en sécurité. Vous faites confiance à l’établissement bancaire pour qu’il conserve vos fonds et qu’il puisse vous les restituer à première demande.
Cette réflexion parcourt en réalité seulement la moitié du chemin du parcours bancaire. Lorsque vous pensez avoir “déposé” des fonds sur votre compte en banque, vous avez en réalité “prêté” des fonds à votre établissement bancaire.
Pour prendre un exemple très simple, le livret A (l’outil d’épargne préféré des Français - sigh) sert à collecter des fonds que les banques prêtent ensuite à l’État (via la Caisse des dépôts et consignations) afin de financer la construction de logements sociaux.
Malheureusement, il n’est pas possible de suivre l’utilisation qui est faite de tous les dépôts détenus par les banques commerciales.
Retenez simplement que l’argent que vous déposez est en réalité immédiatement appréhendé par la banque pour financer diverses opérations (crédits, investissements financiers etc.) et que les chiffres qui composent le solde de votre compte ne sont que le reflet d’une créance que vous avez auprès de la banque.
Ainsi, lorsque vous opérez un retrait, vous demandez à la banque de rembourser tout ou partie de l’argent que vous lui avez prêté.
Problème : il résulte du fonctionnement que nous venons de décrire que les banques ne conservent qu’une petite fraction des dépôts afin de subvenir aux demandes de retraits ponctuels. Un établissement bancaire ne possède pas en ses livres de liquidité suffisantes pour rembourser immédiatement l’intégralité des déposants.
On dit qu’il fonctionne sur un principe de réserves fractionnaires.
Comme nous venons de le dire, les banques commerciales ne conservent de disponible qu’une petite partie des dépôts des clients. Elles vont utiliser le reste pour consentir des crédits à d’autres clients.
Il est fréquent de lire que “les crédits font les dépôts” lorsqu’on s’intéresse à la question. Cette maxime vient du fait qu’une fois qu’une partie des dépôts d’un client a été affectée à un autre via un prêt, l’emprunteur va considérer la somme qui lui est remise comme un actif. Pour lui, cette somme représente de l’argent frais.
Or, d’un point de vue strictement économique, il s’agit en réalité d’un passif que la banque est tenue de rembourser au client initial, le déposant.
Dans le système actuel, pourtant, cette somme est considérée comme constituant un actif ce qui, virtuellement, double la valeur du dépôt initial.
Les euros qui ont été déposés par le premier client viennent d’être, comme par magie, transférés à un autre client qui n’a pas connaissance du fait que cet argent est, initialement, une dette que l’établissement a envers un autre client.
Il en résulte que les établissements bancaires créent de la monnaie (qu’ils détruisent lorsque les crédits sont remboursés) et que l’utilisation de ce système de réserve fractionnaire permet aux banques commerciales de générer d’importants profits.
Problème : ce faisant, les banques ne peuvent pas résister à de fortes demandes de retraits en cas de panique.
La plus grande faiblesse du système de réserve fractionnaire est l’impossibilité pour la banque de faire face à de grands mouvements de panique des déposants. Comme l’établissement ne possède de disponible qu’une fraction des avoirs qui lui ont été confiés, sa capacité à honorer les retraits est naturellement limitée.
Pour prendre des exemples récents, l’année dernière aura vu l’effondrement de plusieurs banques américaines (la Signature Bank et la SVB) qui n’ont pas réussi à faire face aux demandes de retraits de leurs clients. Ces établissements avaient massivement investi dans des obligations américaines. Si ces dernières peuvent être considérées comme des investissements relativement peu risqués, leur valeur à court terme s’est fortement dépréciée lorsque la FED a décidé d’augmenter les taux pour contrer l’inflation naissante aux USA.
Impossible donc pour ces deux banques de vendre ces obligations avant leur date d’expiration et de récupérer les liquidités qui auraient permis d’honorer les demandes de retraits des clients.
Afin d’éviter que ce genre de situation ne génère, par un effet domino, des faillites bancaires en cascades, il fallait trouver un moyen de rassurer les épargnants.
C’était la naissance des systèmes de garantie des dépôts.
Aux Etats-Unis, nous avons déjà évoqué la FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation) dans l’article consacré au Glass-Steagall Act.
En France, ce rôle appartient au FGDR (Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution). Certainement avez-vous d’ailleurs déjà reçu un courrier de votre établissement bancaire vous informant du niveau de protection auquel vous avez droit.
En France, les dépôts sont “protégés” jusqu’à 100 000€ par banque et par déposant.
Cela veut dire que si vous avez un compte joint, le solde de ce dernier est garanti jusqu’à 200 000€. En revanche, si vous disposez de trois comptes bancaires au sein du même établissement pour un solde global de 300 000€, seuls 100 000 de ces euros bénéficient de la protection du FGDR.
Ainsi, si vous êtes un épargnant compulsif, vous pouvez multiplier les comptes auprès d’établissements bancaires différents et ainsi augmenter la protection de vos avoirs. Vous serez en effet assuré à hauteur de 100 000€ auprès de chacune de vos banques.
Encore faut-il que le fonds puisse fonctionner en situation de crise.
Ce fonds de garantie est financé par les banques qui reversent chaque année une dîme au FGDR.
Sauf que, ces cotisations restent relativement modestes et, d’après les chiffres avancés par le FGDR lui-même, il n’était en capacité d’assurer que 0,5% des dépôts bancaires en 2022. L’équivalent d’environ 7 milliards d’euros.
Or, il est extrêmement peu probable qu’une faillite bancaire puisse être évitée avec un fonds de garantie aussi peu solvable.
Comme les développements précédents peuvent poser questions, je vais répondre rapidement aux interrogations les plus fréquentes sur le sujet.
Non, le FGDR ne couvre pas vos Livrets A et LDDS (Livret de Développement Durable Solidaire). Ces produits sont en revanche bien garantis, mais directement par l’Etat.
Une solution logique lorsqu’on sait que l’épargne déposée sur ces produits est transférée par les banques à la Caisse des dépôts pour financer des programmes sociaux.
Donc, si vous avez 100 000€ sur votre compte courant et 15 000€ sur votre livret A, vous serez indemnisé en totalité mais par le biais de deux mécanismes différents. Le FGDR en ce qui concerne votre compte courant. Et l’Etat directement qui viendra couvrir le solde des produits d’épargne réglementés que vous déteniez.
Autre interrogation fréquente : vous possédez un compte titres (ordinaires ou un PEA) et votre établissement bancaire fait faillite, qu’arrive-t-il à vos actions ?
Ces dernières bénéficient d’une garantie distincte, à hauteur de 70 000€ par déposant et par établissement.
En revanche, cette garantie ne se déclenche qu’à la condition que l’établissement en faillite ne soit plus en mesure de vous restituer vos titres (alors qu’il n’est pas censé avoir joué avec, à l’inverse de votre épargne).
La mise en œuvre de cette garantie risque donc de prendre plus de temps que celle qui concerne vos comptes de dépôts pour lesquels l’indemnisation doit en principe être effective sous 7 jours.
Peut-être détenez-vous également une assurance-vie au sein de votre établissement bancaire. Cela est généralement une mauvaise idée dans le sens où, de mon expérience personnelle, je trouve que le niveau de performance servi par les banques traditionnelles ramenées au montant des frais liés à ce type de produit en fait des gouffres à pognon plutôt que des placements.
Quoi qu’il en soit, les assurances-vies sont également couvertes par une garantie spécifique. Assez étonnamment, contrairement aux banques, les compagnies d’assurances ne sont pas légalement tenues de communiquer sur cette garantie.
Il est vraisemblable que, compte tenu des montants élevés déposés sur les contrats d’assurance-vie, il ait été jugé contreproductif par les assurances que de laisser à penser aux souscripteurs que leur contrat puisse ne pas être intégralement garanti. Le lobbying aura fait le reste.
Ainsi, les fonds déposés sur des contrats d’assurance-vie ne sont garantis qu’à hauteur de 70 000€.
Nous l’évoquions un peu plus haut, mais le FGDR est un mécanisme national qui reste limité :
la dotation du fonds est insuffisante pour répondre à une crise qui toucherait les plus grandes banques du pays (celles qui présentent un risque systémique) ;
le fonds ne peut pas non plus agir pour aider des établissements situés dans des pays limitrophes et dont la mauvaise santé pourrait créer une panique bancaire sur le sol national.
Fort de ce constat, l’Union Européenne a mis en place un mécanisme supranational qui permet de pallier aux insuffisances des mécanismes locaux.
Ainsi est né le FRU (Fonds de Résolution Unique). Comme le FGDR, ce fonds est financé par les banques elles-mêmes qui contribuent à hauteur de leurs résultats. L’objectif est de permettre de mobiliser 1% du montant des dépôts bancaires de la zone euro (soit près de 80 milliards d’euros) afin de pouvoir venir rapidement en aide aux banques des pays de l’Union Europennée qui se trouveraient dans une position difficile.
Le FRU, tel un super-héros, viendrait donc tuer les faillites dans l’œuf avant qu’elles ne se propagent d’autres pays et ne viennent définitivement fragiliser le tissu bancaire européen.
Pour l’instant, nous restons encore loin du compte et le marché bancaire unique voulu par certains européistes convaincus tarde à voir le jour.
Voilà pour cet article qui, je l’espère, vous aura permis d’en apprendre un peu plus sur les garanties dont bénéficie l’argent que vous “déposez” (en réalité prêtez) aux établissements bancaires.
On se retrouve mercredi pour le grand dossier de la semaine !
En attendant, n’hésitez pas à nous faire part de votre avis sur le sujet d’aujourd’hui en commentaire ou dans le Discord, et de partager l’article s’il vous a plu !